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DEERSLAYER

et que le Grand-Pin, comme vous autres Indiens vous appelez Hurry Harry, rêvera à toute autre chose qu’à une trahison, je n’aurai qu’à mettre en vue quelque part une torche pour signal, ouvrir la porte, et laisser entrer les Hurons pour qu’ils prennent leurs chevelures.

— Mon frère se méprend sûrement : il ne peut avoir le sang blanc ; il est digne d’être un grand chef parmi les Hurons.

— J’ose dire que cela serait vrai s’il faisait tout cela. Mais écoutez-moi, Huron, et entendez pour une fois des paroles honnêtes sortir de la bouche d’un homme franc. Je suis né chrétien, et ceux qui viennent d’une telle souche, et qui ont entendu les paroles qui ont été adressées à leurs pères, et qui le seront à leurs enfants jusqu’à ce que la terre et tout ce qu’elle contient aient cessé d’exister, ne peuvent jamais se prêter à une telle perversité. Les ruses peuvent être et sont légitimes dans la guerre ; mais l’astuce, la tromperie, la trahison à l’égard d’amis, ne conviennent qu’à ces Faces-Pâles qui sont des démons ; car je sais qu’il en existe assez parmi eux pour vous donner une fausse idée de notre nature ; mais de pareils hommes sont infidèles à leur sang et à leurs dons, et ils devraient être vagabonds et proscrits sur la terre. Pas un blanc ayant de la droiture ne consentirait à faire ce que vous désirez. Et pour être aussi franc envers vous que je le désire, je vous dirai qu’il en est de même des Delawares ; quant aux Mingos, le cas peut être différent.

Rivenoak écouta ce discours avec un mécontentement évident ; mais il avait un but en vue, et il était trop rusé pour vouloir perdre toute chance d’y arriver en cédant avec trop de précipitation à son ressentiment. Affectant de sourire pendant que Deerslayer parlait ainsi, il eut l’air de l’écouter avec attention, et réfléchit quelques instants avant de lui répondre.

— Hawkeye est-il ami du Rat-Musqué ? demanda-t-il enfin, ou est-il amant d’une de ses filles ?

— Ni l’un ni l’autre, Mingo. Le vieux Tom n’est pas un homme qui puisse gagner mon affection. Quant à ses filles, elles sont certainement assez belles pour gagner le cœur de tout jeune homme ; mais il y a des raisons pour ne pas avoir un grand amour pour aucune d’elles. Hetty est une bonne âme, mais la nature a appesanti la main sur son esprit, pauvre créature !

— Et la Rose-Sauvage ? s’écria Rivenoak, — car la renommée de la beauté de Judith s’était répandue parmi les tribus sauvages aussi bien que parmi les habitants des frontières, et elles lui avaient