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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/311

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DEERSLAYER

leurs corps et leur radeau se confondaient avec l’eau. Lorsqu’ils se rencontrèrent devant le château, ils se communiquèrent les observations respectives qu’ils avaient faites, et s’approchèrent ensuite du bâtiment sans hésiter. Ils virent, comme ils s’y attendaient, qu’il ne s’y trouvait personne. Les Indiens envoyèrent les radeaux à terre pour leur amener du renfort, et deux d’entre eux restèrent sur la plate-forme pour profiter de leur situation. Ces deux hommes réussirent à monter sur le toit, et ayant enlevé quelques morceaux d’écorces qui le couvraient, ils entrèrent dans ce qu’on pourrait appeler le grenier. Leurs compagnons ne tardèrent pas à arriver, et alors ils pratiquèrent un trou dans les bois qui formaient le plafond de la chambre en dessous, dans laquelle huit des plus vigoureux d’entre eux descendirent. Ils y furent laissés bien munis d’armes et de provisions pour y soutenir un siège ou faire une sortie suivant que l’occasion l’exigerait. Ils passèrent la nuit à dormir, comme c’est l’usage des Indiens quand ils sont en activité de service. Le retour du jour leur fit voir à travers les meurtrières l’arche qui s’approchait, car ce n’était que par ces jours que l’air et la lumière pouvaient entrer, les fenêtres étant fermées par d’épais contrevents en troncs d’arbres. Dès qu’ils se furent assurés que les deux hommes blancs allaient entrer par la trappe, le chef de la petite troupe prit ses mesures en conséquence. Il se fit remettre toutes les armes de ses compagnons, et même leurs couteaux, se méfiant de leur férocité sauvage, si elle était éveillée par la résistance ; il les cacha dans un endroit où ils ne pouvaient aisément les trouver ; il prépara les cordes destinées à garrotter les prisonniers qu’il voulait faire ; et, plaçant ses guerriers en station dans les différentes chambres, il leur ordonna d’attendre son signal pour tomber sur les Faces-Pâles. Dès que les huit guerriers étaient entrés dans le bâtiment, les Indiens restés en dehors avaient replacé les écorces qui avaient été enlevées du toit, fait disparaître jusqu’à la moindre marque qui aurait pu faire connaître leur visite, et étaient ensuite retournés à terre sur leurs radeaux. C’était l’un d’eux qui avait laissé tomber son moccasin, et il l’avait inutilement cherché dans l’obscurité. Si la mort de la malheureuse Indienne tuée sur la pointe eût été connue des Indiens restés au château, il est probable que rien n’aurait pu sauver la vie de Hutter et de Hurry ; mais cet événement n’avait eu lieu que depuis qu’ils étaient en embuscade, et à plusieurs milles du camp formé dans le voisinage du château. Tels étaient les moyens qui avaient amené l’état de choses que nous continuerons à décrire dans le chapitre suivant.