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OU LE TUEUR DE DAIMS.

piste de Hist. — Ici il s’interrompit un moment pour rire à sa manière silencieuse. — Mais il n’est pas facile de tromper une seconde fois celui qu’on a déjà trompé. Les faons eux-mêmes apprennent à connaître les tours des chasseurs dans le cours d’une seule saison ; et un Indien dont les yeux se sont ouverts après avoir été trompé ne les ferme plus, surtout tant qu’il reste dans le même endroit. J’ai vu des blancs le faire, mais jamais une Peau-Rouge. Ce qu’ils apprennent, ils le tiennent de la pratique et non des livres, et les leçons de l’expérience sont celles dont on se souvient le plus longtemps.

— Tout cela est vrai, Deerslayer ; mais si vous ne vous êtes pas échappé des mains des sauvages, comment vous trouvez-vous ici ?

— C’est une question toute naturelle, et vous la faites d’une manière charmante. — Vous êtes étonnamment belle ce soir, Judith, ou Rose-Sauvage, comme le Serpent vous appelle ; et je puis bien vous donner le même nom, puisque je pense réellement que vous le méritez. Et quant à ces Mingos, vous pouvez bien les appeler sauvages, puisqu’ils pensent en sauvages et agissent en sauvages quand on leur en donne l’occasion. Ils sont enragés de la perte qu’ils ont faite ici lors de la dernière escarmouche, et ils brûlent de s’en venger sur toute créature de sang anglais qu’ils trouveront sur leur chemin ; et quant à cela, je crois qu’ils ne se feraient aucun scrupule de se venger sur un Hollandais.

— Ils ont tué mon père, dit Hetty, cela devrait assouvir leur horrible soif de sang.

— Je le sais, — je sais toute l’histoire, — partie d’après ce que j’ai vu du rivage, — partie d’après ce qu’on m’a raconté, — partie d’après les menaces qui m’ont été faites. — Eh bien ! la vie est incertaine après tout, et elle dépend d’un moment à l’autre du souffle de nos narines. Si vous avez perdu un brave ami, comme je n’en doute pas, Dieu vous en enverra d’autres pour le remplacer ; et puisque notre connaissance a commencé d’une manière si peu commune, je regarderai désormais comme une partie de mon devoir de veiller à ce que la nourriture ne manque pas dans votre wigwam, si cela est nécessaire. Je ne puis rendre la vie aux morts ; mais quant à nourrir les vivants, peu d’hommes sur toute cette frontière pourraient le faire mieux que moi, quoique je le dise par forme de pitié et de consolation, et non pour me vanter.

— Nous vous comprenons, Deerslayer, répondit Judith, et tout ce qui sort de vos lèvres nous le prenons, comme vous le dites, en