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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 19, 1842.djvu/388

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OU LE TUEUR DE DAIMS.

dont il y est question est le Thomas Butter que vous avez connu, et la preuve s’en trouve dans ces lettres.

En parlant ainsi, les joues animées et les yeux étincelants, elle lui montra l’article du journal dont il a déjà été parlé.

— À quoi songez-vous, Judith ? répliqua Deerslayer en riant ; — autant vaudrait me dire d’imprimer cela, ou même de l’écrire. Mon éducation a été entièrement faite dans les bois ; le seul livre que je sache lire, et que je me soucie de lire, est celui que Dieu a ouvert devant toutes ses créatures dans les nobles forêts, dans les lacs, dans les rivières, dans le firmament, dans les vents, dans les tempêtes, dans le soleil et les astres, et dans toutes les merveilles de la nature ; je puis lire dans ce livre, et je le trouve plein de sagesse et de connaissances.

— Je vous demande pardon, Deerslayer, dit Judith avec une humilité qui ne lui était pas ordinaire, en voyant que sa demande avait pu, sans qu’elle y songeât, blesser l’amour-propre du jeune chasseur ; — j’avais oublié votre genre de vie, et j’étais bien loin d’avoir la moindre pensée de vous offenser.

— De m’offenser ! Et pourquoi m’offenserais-je de ce que vous n’engagez à lire quelque chose, quand je ne sais pas lire ? Je suis un chasseur, — je puis commencer à dire un guerrier ; — mais je ne suis pas un missionnaire, et par conséquent les livres et les écrits n’ont rien de commun avec moi. — Non, Judith, non ; pas même pour bourrer ma carabine, car un bon chasseur emploie toujours pour bourre de la peau de daim, ou, s’il n’en a pas, un morceau de quelque autre cuir préparé. Il y a des gens qui disent que ce qui est imprimé est vrai ; auquel cas je craindrais qu’un homme qui n’est pas savant ne doive se trouver quelquefois du nombre des pédants ; cependant rien de tout cela ne peut être plus vrai que ce que Dieu a imprimé de sa propre main dans le firmament et les bois, dans les rivières et les sources.

— Eh bien donc, Hutter ou Hovey était un pirate ; et comme il n’était pas mon père, je ne puis désirer de lui en donner le nom. Son nom ne sera plus le mien.

— Si vous n’aimez pas le nom de cet homme, il y a celui de votre mère qui peut vous rendre un aussi bon service.

— Je ne le connais pas. J’ai parcouru tous ces papiers dans l’espoir d’y découvrir qui était ma mère, mais il ne s’y trouve pas plus de traces du passé que l’oiseau n’en laisse de son vol dans les airs.

— Cela est extraordinaire et déraisonnable. Les parents sont tenus de laisser leur nom à leurs enfants, quand même ils ne leur lais-