Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/119

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trop occupé de la conversation que nous avons rapportée pour laisser errer ses yeux suivant leur usage, et le colporteur, averti par le son des voix qui s’éloignaient que l’ennemi qu’il redoutait le plus était passé, céda à son impatience et cessa de se courber, afin de pouvoir avancer plus vite. Dès l’instant que son corps s’éleva au-dessus de l’ombre du terrain, il fut découvert et la chasse commença.

Birch resta un instant immobile, son sang se glaçant dans ses veines quand il songeait au danger qui le menaçait ; ses jambes lui refusèrent leur service, si nécessaire en cette circonstance ; mais ce ne fut que pour un moment. Se déchargeant de sa balle qu’il abandonna à l’endroit où il se trouvait, et serrant par instinct le ceinturon qu’il portait, il se mit à fuir. Il savait qu’en gagnant la lisière du bois il se rendrait presque invisible, et il redoublait de vitesse quand plusieurs cavaliers passèrent à peu de distance de lui sur la gauche, et lui enlevèrent ce lieu de refuge. Il s’était jeté ventre à terre en les entendant arriver. Mais le moindre délai était trop dangereux pour qu’il restât longtemps dans cette position. Il se releva donc, et longeant toujours le bois, il courut dans la direction opposée à celle des dragons, qui s’exhortaient à avoir l’œil aux aguets.

Tous les dragons avaient pris part à la chasse, quoique l’ordre donné précipitamment par Lawton n’eût été entendu que de ceux qui étaient près de lui. Les autres ne savaient pas précisément ce qu’ils avaient à faire, et le cornette demandait encore de quoi il s’agissait, quand un homme à peu de distance en arrière franchit la route d’un seul bond. Au même instant, la voix de stentor du capitaine retentit dans la vallée, avec une force qui fit connaître la vérité à toute sa troupe :

— Harvey Birch ! Saisissez-le mort ou vif !

Cinquante coups de pistolet partirent en même temps, et les balles sifflèrent de tous côtés autour de la tête du malheureux colporteur. Le désespoir s’empara de lui, et il s’écria avec amertume :

— Être chassé comme une bête des forêts ! — Il lui sembla que la vie lui devenait à charge, et il était sur le point de se livrer lui-même à ses ennemis. La nature l’emporta pourtant. Il savait que s’il était pris on ne lui ferait pas même l’honneur de le mettre en jugement, mais que très-probablement il subirait le lendemain matin une mort ignominieuse, car il avait déjà été condamné, et