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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/286

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— La lune va se lever dans quelques instants, dit le capitaine. Il appela un dragon qui marchait à quelques pas de lui en avant, et lui donna quelques ordres relatifs aux précautions à prendre pour que la santé de Singleton ne souffrît pas de la marche. Ayant ensuite adressé à son ami quelques paroles d’encouragement, il donna un coup d’éperon à Roanoke, et s’éloigna de la charrette avec une rapidité qui mit encore en déroute toute la philosophie de Katy.

— Voilà un fameux et hardi cavalier, s’écria la vivandière. Bon voyage, capitaine ; et si vous rencontrez en chemin M. Belzébut, montrez-lui votre bête et faites-lui voir que c’est sa femme que vous avez en croupe. Je crois qu’il ne s’arrêtera pas longtemps pour causer. Eh bien ! en bien ! nous lui avons sauvé la vie après tout, comme il le dit lui-même ; et après cela qu’importe le pillage ?

Le bavardage bruyant de Betty Flanagan était trop familier aux oreilles du capitaine pour qu’il s’arrêtât pour l’écouter ou pour y répondre. Malgré le fardeau inusité dont Roanoke était chargé, il franchit rapidement la distance qui séparait la charrette de la vivandière de la voiture de miss Peyton, et s’il répondit en cela aux désirs de son maître, il ne satisfit nullement ceux de sa compagne. On était près des Quatre-Coins quand il rejoignit l’équipage, et la lune sortant au même instant de derrière une masse de nuages, jeta sur tous les objets une lumière plus pâle que de coutume pour des yeux qui venaient d’être frappés par l’éclat brillant d’un incendie. Il y a pourtant dans le clair de lune une douceur que le jour des flammes ne peut égaler, et Lawton ralentissant le pas de son cheval, se livra en silence à ses réflexions pendant tout le reste du chemin.

Comparé à l’élégance simple et commode des Sauterelles, l’hôtel Flanagan ne présentait qu’une bien triste habitation. Au lieu de planchers couverts de tapis et de fenêtres ornées de rideaux, on y voyait des ais mal joints, et l’on avait employé ingénieusement des morceaux de planches et de papier pour remplacer les carreaux de vitre des croisées, dont plus de la moitié étaient cassés.

Lawton avait pourtant eu soin de rendre leur appartement aussi commode que les circonstances le permettaient. On avait allumé un grand feu dans toutes les chambres, pour en diminuer un peu l’air de désolation, et les dragons y avaient porté, par ordre de leur capitaine, les meubles les plus indispensables qu’il avait été