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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/287

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possible de se procurer. Miss Peyton et ses compagnes trouvèrent donc presque en arrivant un logement à peu près habitable. L’esprit de Sara avait continué à divaguer pendant tout le voyage, et avec cette disposition particulière au délire, elle adaptait toutes les circonstances aux sentiments qui dominaient dans son cœur. On eut besoin de la soutenir pour la conduire dans l’appartement destiné aux dames ; mais dès qu’elle fut assise sur un banc à côté de Frances, elle lui passa un bras avec affection autour de la taille, et lui dit en étendant lentement l’autre autour d’elle :

— Voyez ! c’est ici le palais de son père ; mille torches y sont allumées, mais il n’y a pas de mari… Ah ! ne vous mariez jamais sans bague. Ayez soin qu’elle soit préparée, et prenez bien garde qu’une autre n’y ait des droits… Pauvre fille ! comme vous tremblez ! mais vous n’avez rien à craindre ; il ne peut jamais y avoir deux maris pour plus d’une femme… Oh non, non, non… Ne tremblez pas, ne pleurez pas, vous n’avez rien à craindre.

— Quel remède peut guérir un esprit qui a reçu un tel coup ? demanda à Isabelle Singleton le capitaine Lawton, qui regardait avec compassion ce cruel spectacle. Le temps et la bonté divine peuvent seuls lui apporter du soulagement. — Mais on peut faire quelque chose de plus pour rendre votre appartement moins incommode. Vous êtes fille d’un soldat, et habituée à de pareilles scènes ; aidez-moi à empêcher l’air froid de la nuit de pénétrer par cette fenêtre.

Miss Singleton se mit à l’œuvre sur-le-champ, et tandis que Lawton cherchait à remédier à quelques carreaux de vitre cassés, Isabelle suspendait devant la croisée un drap destiné à tenir lieu de rideau.

— J’entends la charrette, dit le capitaine répondant à une question de miss Singleton relativement à son frère ; Betty a le cœur bon au fond. Croyez-moi, George est avec elle, non seulement en sûreté, mais aussi bien qu’il est possible.

— Que Dieu la récompense de ses soins, et qu’il vous bénisse tous ! dit Isabelle avec ferveur. Je sais que le docteur Sitgreaves est allé à leur rencontre. — Mais que vois-je donc briller là-bas au clair de la lune ?

En face de la croisée devant laquelle ils étaient, on voyait les dépendances extérieures de la ferme, et l’œil perçant de Lawton aperçut à l’instant l’objet sur lequel elle fixait son attention.

— De par le ciel, c’est une arme à feu ! s’écria le capitaine en