Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/303

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chevaux. S’accrochant alors des deux mains à chaque côté de son siège périlleux, ouvrant la bouche de manière à montrer son double rang d’ivoire, et ses yeux brillants comme des diamants enchâssés dans l’ébène, il abandonnait tout au gouvernement de l’ancien proverbe « au diable le dernier. » La voiture, avec le zèle d’un nouveau converti, poussait aux chevaux des arguments qui les forçaient de marcher à leur but avec une rapidité qui déconcertait complètement la philosophie de l’Africain. Mais la pratique amène la perfection, et lorsque le soir commença à faire sentir aux voyageurs la nécessité d’une halte, César était si bien accoutumé à ces descentes critiques qu’il s’y résignait avec un courage incroyable. Nous ne nous serions pas hasardés à décrire par toutes ces métaphores les exploits sans exemple des chevaux de M. Wharton, s’il n’existait encore de nombreux exemples de ces chemins dangereux, auxquels nous ne craignons pas d’en appeler comme étant des preuves de notre véracité ; circonstance d’autant plus heureuse pour nous, que presque partout il existe des moyens dont on aurait pu facilement profiter pour les améliorer, ce qui nous aurait privés d’un témoignage incontestable en notre faveur.

Tandis que César et ses coursiers luttaient ainsi contre les obstacles de leur voyage, ceux qui se trouvaient dans la voiture étaient trop occupés de leurs propres soucis pour faire grande attention aux embarras de ceux qui les servaient. L’égarement d’esprit de Sara n’était plus porté au même point, mais chaque pas qu’elle faisait vers la raison en semblait un en même temps vers l’accablement et la stupeur : elle devenait peu à peu sombre et mélancolique. Il y avait des moments où ses parents inquiets croyaient remarquer en elle des indices du retour de sa mémoire, mais l’expression de profonde affliction qui accompagnait ces lueurs passagères de raison les réduisait quelquefois à la cruelle alternative de désirer qu’elle restât dans un délire qui lui épargnait de si cruelles souffrances. Pendant toute cette journée, on voyagea presque en silence ; et la nuit étant arrivée, chacun se logea comme il put dans différentes fermes.

Le lendemain matin la cavalcade se sépara. Les blessés se dirigèrent vers la rivière pour s’embarquer à Peek-Skill, et se rendre par eau aux hôpitaux de l’armée américaine, qui étaient plus avant dans le pays. Singleton fut transporté dans sa litière au quartier-général de son père, situé dans les montagnes, et où il