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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/307

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avec son père. Ils causèrent longtemps ensemble ; mais j’eus beau écouter, je ne pus jamais deviner s’ils étaient bien aises ou fâchés. Eh bien ! d’un autre côté, quand ce général anglais… mon Dieu ! avec toutes mes pertes et tous mes embarras, j’ai oublié son nom.

— André ? dit Frances en soupirant.

— Oui, André. Quand le vieux Birch apprit qu’il avait été pendu près du Tappaan, il pensa en perdre l’esprit, et il ne dormit ni jour ni nuit jusqu’au retour de Harvey ; et alors son argent consistait principalement en guinées d’or. Mais les Skinners lui ont tout pris, et à présent ce n’est plus qu’un mendiant, ou, ce qui est la même chose, un homme méprisable puisqu’il est dans l’indigence.

Frances ne répondit rien à ce discours, et continua à gravir la montagne, uniquement occupée de ses propres pensées. L’allusion faite au major André avait rappelé à son esprit la situation de son frère. L’espérance est la principale source des jouissances, et quand même elle n’est appuyée que sur un faible soutien, elle manque rarement de se mêler à toutes les émotions du cœur. La déclaration qu’avait faite Isabelle en mourant avait produit sur l’esprit de Frances une impression dont l’effet influait sur toutes ses pensées. Elle se flattait de voir Sara recouvrer la raison, et en ce moment, où elle songeait au jugement qu’allait subir Henry, il se mêlait à ses pensées un secret pressentiment que son innocence serait reconnue, et elle s’y livrait avec toute l’ardeur de la jeunesse, quoiqu’elle eût été bien embarrassée pour en donner une raison.

Elles étaient alors arrivées sur la cime de la montagne, et Frances s’assit pour se reposer et pour admirer le spectacle qui s’offrait à elle. À ses pieds était une profonde vallée à laquelle la culture avait apporté peu de changements, et qu’une soirée de novembre faisait paraître encore plus sombre. Une autre montagne s’élevait à peu de distance, et l’on ne voyait sur ses flancs raboteux que des rochers arides et quelques chênes rabougris auxquels le sol refusait la sève qui leur était nécessaire.

Pour les voir dans toute leur beauté, il faut traverser les montagnes immédiatement après la chute des feuilles. Le tableau qu’elles présentent est alors dans toute sa perfection, car ni le maigre feuillage que l’été prête aux arbres, ni les neiges de l’hiver ne cachent aux yeux le moindre objet. Une triste solitude forme le caractère du paysage, et l’esprit ne peut, comme en mars, pré-