Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/308

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voir la végétation qui va bientôt borner la vue sans rendre le coup d’œil plus attrayant.

La journée avait été froide et obscure. En ce moment des nuages blanchâtres couvraient encore l’horizon ; Frances espérait voir briller un moment le soleil couchant, mais elle fut trompée dans son attente. Enfin un rayon solitaire de lumière se refléta sur la base de la montagne voisine, monta le long de ses flancs, en atteignit le sommet, et y forma comme une couronne de gloire qui ne dura qu’une minute. La lumière était si vive qu’elle permit à Frances de voir distinctement les objets que l’obscurité lui cachait auparavant. Surprise d’obtenir d’une manière si inattendue la faculté de pénétrer pour ainsi dire les secrets de ce lieu solitaire, elle parcourut rapidement des yeux tous les environs, et elle aperçut au milieu des arbres épars et des pointes de rochers ce qui lui parut une chaumière grossièrement construite. Elle était fort basse et la couleur des matériaux dont elle était formée se mariait tellement à celle des rochers qui l’entouraient, que sans le toit et une fenêtre dont les carreaux réfléchissaient les rayons du soleil elle ne l’aurait pas découverte.

Tandis qu’elle était encore plongée dans la surprise que lui causait la vue d’une habitation humaine dans ce lieu désert, Frances en levant les yeux un peu plus haut, vit un autre objet qui ajouta encore à son étonnement. Ce semblait être une figure humaine, mais d’une forme singulière et d’une difformité extraordinaire. Cet être était placé sur le bord d’une saillie de rocher au-dessus de la chaumière, et il ne fut pas difficile à notre héroïne de s’imaginer qu’il regardait les voitures qui gravissaient péniblement la montagne sur laquelle elle était assise. Cependant la distance qui l’en séparait était trop considérable pour qu’elle pût en juger avec certitude. Après l’avoir examiné un instant avec la plus grande surprise, elle vint à croire que c’était un jeu de son imagination, et que ce qu’elle voyait faisait partie du rocher même. Mais tout à coup l’objet qui attirait ses regards changea de position, marcha rapidement et entra dans la chaumière, ne lui laissant ainsi aucun doute sur la réalité de tout ce qu’elle avait vu. Soit que ce fût l’effet de la conversation qu’elle venait d’avoir avec Katy, ou de quelque analogie que lui offrait son imagination, Frances, à l’instant où cette figure disparut à ses yeux, crut lui trouver une ressemblance marquée avec Harvey Birch marchant chargé de sa balle. Elle regardait encore avec surprise cette demeure mysté-