Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/17

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lui a envoyé une commission, en récompense de sa bonne conduite en enlevant un bâtiment français au mouillage. Je le regarde comme faisant honneur à notre nom, et je ne doute pas que, de manière ou d’autre il ne soit de notre famille.

— En annonce-t-il la prétention ? demanda le juge avec quelque vivacité ; car, en général, il se méfiait des hommes, et il pensait, d’après tout ce qu’il avait appris, qu’on pouvait avoir fait quelque tentative pour surprendre la simplicité de son frère. — Je croyais que vous m’aviez dit qu’il venait des colonies américaines.

— Sans doute : il est né en Virginie, et son père avant lui.

— Ce père était peut-être un condamné à la déportation, ou probablement un domestique qui a trouvé le nom de son ancien maître plus à son goût que le sien. On dis que de pareilles choses ne sont pas rares au-delà des mers.

— Oui, répliqua sir Wycherly d’un ton mélancolique ; s’il n’était pas Américain, je voudrais qu’il fût mon héritier. Mais il vaudrait mieux laisser tomber Wychecombe en déshérence, comme vous le dites, que de mettre un Américain en possession de mon domaine. Le manoir a toujours été habité par un maître anglais jusqu’au moment actuel, Dieu merci !

— Et s’il en a un autre, ce sera votre faute, Wycherly. Quand je serai mort, — ce qui doit arriver d’ici à quelques semaines, — il n’y aura personne qui puisse hériter de votre domaine autrement que par déshérence, ou par testament ; car vous n’aurez ni héritier naturel, ni héritier appelé à recueillir la substitution, et vous pouvez rendre propriétaire de Wychecombe qui bon vous semblera, excepté un étranger.

— Et un Américain, je suppose ; car, comme de raison, un Américain est un étranger.

— Humph ! non pas aux yeux de la loi, quoi qu’il puisse être d’après nos idées anglaises. Écoutez, frère Wycherly, je ne vous ai jamais demandé de laisser votre domaine à Tom ou à l’un de ses deux frères ; je ne l’ai même jamais désiré, parce qu’ils sont tous trois filii nullorum. — C’est ainsi que je les appelle quoique mon collègue Record prétende qu’on doit dire filii nullius aussi bien que filius nullius. — Quoi qu’il en soit, il ne convient pas qu’un bâtard soit maître de Wychecombe, et plutôt que de souffrir qu’il tombe, à titre de déshérence, entre les mains du roi, qui en ferait présent à quelque favori je le donnerais, à votre place, à l’héritier d’une seule ligne.

— Cela peut-il se faire sans testament, frère Thomas ?