Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/312

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de la manœuvre, n’avaient rien à faire, et tout semblait abandonné aux évolutions de ces vastes machines elles-mêmes pendant qu’elles flottaient sur les ondes. Sir Gervais, Greenly et Bunting étaient encore sur la dunette, et leurs yeux se détournaient à peine un instant de la flotte ennemie.

Le Plantagenet et le Téméraire n’étaient guère alors qu’à un mille l’un de l’autre, et chaque instant diminuait cette distance. Ce dernier bâtiment labourait péniblement son chemin, son avant plongeant dans l’eau jusqu’aux écubiers, tandis que le premier ayant du largue dans ses voiles, filait légèrement et sans peine à travers cette grosse mer, ses voiles bien tendues l’appuyant parfaitement dans le roulis qui était la suite inévitable d’un pareil mouvement. Cependant une lame venait se briser de temps en temps contre son côté au vent, faisait jaillir sa crête en brillant jet d’eau, et versait des tonnes d’eau sur le pont. Les manières de sir Gervais avaient alors perdu toute trace d’agitation et d’impatience. Quand il parlait, c’était d’un ton doux et calme, semblable à celui que prendrait un homme du monde dans une compagnie de dames. Le fait était que toute son énergie s’était concentrée, dans la résolution d’entreprendre un exploit audacieux ; et comme cela n’est pas rare dans les hommes les plus résolus, plus il approchait du moment d’exécuter son projet, plus il dédaignait de se livrer aux ébullitions de son caractère.

— Les Français n’ouvrent pas les sabords de leur batterie basse, Greenly, dit le vice-amiral, baissant sa longue-vue après l’avoir tenue longtemps dirigée vers la flotte ennemie, quoiqu’ils aient l’avantage d’être sous le vent ; je regarde cela comme un signe qu’ils n’ont pas de projet bien sérieux.

— C’est ce que nous saurons mieux dans cinq minutes, sir Gervais. — Ce vaisseau glisse comme une diligence de Londres.

— Leur ligne a quelque chose de gauche après tout. Voyez ces deux bâtiments en arrière, ils sont près d’un demi-mille au vent du reste de la flotte et à près d’un demi-mille en arrière, — eh ! Greenly ?

Le capitaine jeta les yeux sur l’arrière-garde ennemie, et examina avec attention la position de ces deux bâtiments ; mais sir Gervais baissa la tête d’un air pensif, et se remit à se promener sur la dunette. Une ou deux fois, il s’arrêta pour examiner l’arrière-garde de la ligne française, qui était alors à une bonne lieue de distance, mais chaque fois il reprit sa promenade.

— Bunting, dit-il d’un ton calme, venez ici un instant. Notre dernier signal a été de se tenir dans les eaux du commandant en chef, et d’imiter ses manœuvres ?