père s’était placé près du vice-amiral et M. Atwood et le desservant, M. Rotherham, avaient été obligés de prendre les deux autres sièges. Sir Wycherly fit la grimace en voyant que le contre-amiral n’occupait pas une place plus distinguée ; mais sir Gervais l’assura que son ami n’était jamais plus heureux que lorsqu’il pouvait prendre la beauté pour l’objet spécial de ses attentions, et il fallut bien qu’il se contentât de cet arrangement.
Que l’amiral Bluewater fût frappé de la beauté de Mildred, qu’il fût charmé du naturel de ses manières, qui étaient tout ce qu’on peut désirer dans une jeune personne de son âge, et fort au-dessus du rang qu’elle occupait dans la société, c’était ce que remarquèrent évidemment tous ceux qui étaient alors assis à la table du baronnet ; mais il était impossible de prendre son air franc et paternel pour autre chose qu’une admiration convenable à la différence de leurs âges. Mistress Dutton, bien loin d’être alarmée des attentions du contre-amiral pour sa fille, trouvait du plaisir à les observer, et peut-être même en était-elle fière en pensant tout bas que Mildred les méritait. Nous avons déjà dit qu’elle était fille de l’intendant d’un lord d’un comté voisin ; mais il peut être à propos d’ajouter ici qu’elle avait tellement plu aux filles de ce lord, qu’elle avait été admise dans leur société, et qu’elle avait profité, jusqu’à un certain point, de leur éducation. Lady Wilmeter, mère des jeunes personnes dans la société desquelles elle était admise comme une sorte d’humble compagne, s’était persuadé qu’il pourrait être avantageux pour cette jeune fille d’être élevée de manière à pouvoir devenir gouvernante, concevant peu, dans sa situation, qu’elle préparait à Marthe Ray — c’était le nom de famille de mistress Dutton — un genre d’existence qui était la moins désirable de toutes les carrières pour une femme vertueuse et intelligente, — c’est-à-dire d’après la manière dont on appréciait l’éducation et les gouvernantes, il y a un siècle, car il n’y a nul doute que le monde, avec tous ses défauts et tous ses sophismes, n’ait fait depuis ce temps de grands pas vers la véritable civilisation et les vérités morales dans mille branches différentes. Quoi qu’il en soit, elle reçut de l’éducation, et contracta en même temps des goûts, des sentiments et des opinions qui peut-être ne contribuèrent guère à son bonheur pendant le reste de sa vie. Frank Dutton, alors jeune et beau lieutenant dans la marine, mais dont l’esprit n’avait pas été cultivé, dérangea ce projet en épousant Marthe Ray quand elle eut vingt-deux ans. Ce mariage était sortable sous tous les rapports, sauf l’éducation et le caractère des deux parties, ce qui n’était pas sans importance. Cependant, comme une femme peut