Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/103

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que nous le pourrons, et au besoin nous aurons recours aux avirons.

— Je verrai donc mon oncle, et je lui dirai qu’il y a un bâtiment prêt à partir, et que nous ferons bien d’en profiter. — N’est-il pas singulier, Raoul, qu’il ignore complètement que vous êtes dans cette baie ? De jour en jour il fait moins d’attention à tout ce qui l’entoure, et je crois que la moitié du temps il ne se souvient pas que vous commandez un bâtiment ennemi.

— Qu’il compte sur moi ! il n’aura jamais lieu de le savoir.

— Nous en sommes bien sûrs, Raoul. La manière généreuse dont vous êtes intervenu pour nous sauver du corsaire algérien, qui fut le commencement de notre connaissance, et pour laquelle nous devrons toujours vous bénir, a établi une paix éternelle entre vous et nous. Si vous n’étiez arrivé si à propos à notre secours l’été dernier, nous serions à présent, mon oncle et moi, esclaves chez ces barbares.

— C’est une autre chose qui me porte à croire à une Providence, Ghita ; car, quand je vous ai tirés, vous et votre bon parent, des mains des Algériens, je ne savais pas à qui je rendais ce service, et vous voyez ce qui en est résulté. En vous servant, c’est moi-même que j’ai servi.

— Que ne pouvez-vous apprendre à servir ce Dieu qui dispose de nous tous suivant sa sainte volonté ! s’écria Ghita, des larmes brillant dans ses yeux, tandis qu’un effort presque convulsif cherchait à réprimer l’émotion profonde avec laquelle elle prononça ces mots. Mais nous vous remercierons toujours, Raoul, d’avoir été pour nous l’instrument de sa merci dans l’affaire de l’Algérie. Il me sera facile d’engager mon oncle à s’embarquer ; mais comme il connaît votre véritable profession quand il lui plaît de s’en souvenir, je ne crois pas qu’il soit à propos de lui dire avec qui nous partons. Il faut que nous convenions d’un endroit et d’une heure pour nous revoir ; j’aurai soin qu’il s’y trouve et qu’il soit prêt à partir.

Raoul et Ghita discutèrent ensuite tous les petits détails relatifs au départ. Un rendez-vous hors de la ville, à peu de distance du cabaret de Benedetta, fut choisi comme étant un endroit où ils seraient moins exposés aux regards du public. Cet arrangement fut bientôt décidé, et Ghita pensa qu’il était temps qu’ils se séparassent. Raoul y consentit de meilleure grâce qu’il ne l’aurait probablement fait s’il n’eût préalablement reçu l’assurance qu’il la reverrait dans une heure, afin que tout fût prêt pour pouvoir partir au premier souffle du vent.

Lorsqu’il fut resté seul, Raoul se rappela qu’Ithuel et Filippo étaient sans doute à terre, comme de coutume ; car le premier n’avait consenti à servir sous lui qu’à condition qu’il lui serait toujours permis