Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/194

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accordant les consolations de l’amour filial, en ouvrant votre cœur à l’amour paternel, il vous fait connaître quels sont les fruits de sa merci pour le pécheur repentant. Remerciez-le de ses bontés du fond de votre âme ; c’est le moyen d’attirer sa bénédiction sur votre dernier moment.

— J’espère, saint prêtre, que… Mais qu’est-ce que ceci ?

Don Francesco prit un papier que lui apportait un domestique, et en lut le contenu avec empressement. Le monde et les idées mondaines étaient trop enracinées dans son cœur pour pouvoir en être extirpées tout à coup, et son arrestation, sa mise en jugement et sa condamnation s’étaient suivies de si près, qu’il n’était pas surprenant que le bon prêtre eût trouvé en lui un esprit divisé entre les choses du ciel et celles d’ici-bas, même en un pareil moment. Après avoir fait cette lecture, il pâlit, et il passa une main sur son front et sur ses yeux, comme pour cacher une faiblesse qu’il se reprochait.

— On m’a refusé ma dernière requête, mon père, et il faut que je meure comme un vil brigand !

— Le fils de Dieu est mort sur la croix, suspendu entre deux larrons.

— Je crois que l’opinion générale sur la différence des genres de mort est moins juste que nous ne sommes habitués à le croire ; cependant il est cruel pour un homme qui a rempli des postes si élevés — un prince — un Caraccioli — de mourir comme un lazzarone.

— Grand-papa !

— Avez-vous parlé, mon enfant ? Je ne suis pas surpris que cette indignité vous saisisse d’horreur.

— Ce n’est pas cela, répondit Ghita, triomphant de son irrésolution, les joues enflammées, les yeux levés vers le ciel, et le visage rendu radieux par de saintes pensées, oh ! ce n’est pas cela. Si ma vie pouvait sauver la vôtre, je la sacrifierais bien volontiers. Mais, dans ce moment terrible, ne prenez pas l’ombre pour la substance. Qu’importe le genre de mort, quand elle ouvre les portes du ciel ? Vous ne craignez pas les souffrances, j’en suis sûre ; moi-même, toute jeune et toute faible que je suis, je sens que je suis en état de les mépriser ; mais quel autre honneur peut-il y avoir à l’heure de la mort, que d’être jugé digne de la bonté et de la merci de Dieu ? Caraccioli ou lazzarone, prince ou mendiant, cela ne fera plus une différence pour vous dans deux heures d’ici. Souffrez donc que je vous prie avec respect d’abaisser vos pensées au niveau qui convient à tous les pécheurs.