Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/195

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— Et vous dites que vous êtes ma petite-fille, Ghita ? — la fille de mon fils Francesco ?

— Oui, Signor, je le suis — comme le disent tous ceux qui me connaissent — comme mon cœur me le dit — comme je le crois fermement.

— Et vous regardez l’opinion dont je parlais comme indigne d’un pareil moment, — comme inconvenante, si vous l’aimez mieux ? Et vous considérez le genre de mort comme devant être indifférent même à un soldat ?

— Oui, mis en comparaison avec ses espérances du ciel, et s’il songe à ses propres démérites et aux mérites de son Sauveur.

— Et à l’instant où vous entrez sur la scène de la vie, où le monde s’ouvre devant vous, où vous ignorez encore ce que l’avenir peut vous réserver, êtes-vous donc disposé à m’accompagner au pied de l’échafaud, — à vous faire connaître, sans en rougir, à la foule qui m’insultera, comme étant issue de mon sang ?

— Oui, grand-papa, répondit Ghita avec fermeté, je suis venue dans cette intention, mais n’exigez pas que mes yeux soient témoins de vos souffrances. Tout ce que je pourrai faire pour adoucir votre ignominie, si c’en est une, en la partageant, je le ferai ; mais je ne me sens pas en été de supporter le spectacle de vous voir souffrir.

— Et vous ferez cela pour un homme que vous n’avez jamais vu avant ce moment, — un homme que vous n’avez pu apprendre à considérer comme ayant été juste envers vous ?

— Si je ne vous ai jamais vu avant ce moment, j’ai appris à vous aimer et à prier pour vous depuis mon enfance, et c’est mon bon oncle qui m’a donné cette leçon. Mon père nous a été enlevé, et ce qu’il aurait fait pour vous aujourd’hui, je tâcherai de le faire à sa place. Le monde n’est rien pour moi, et ce sera une consolation pour vous de penser que vous avez près de vous quelqu’un dont le cœur saigne pour vous, et dont l’âme est en prières pour le salut éternel de la vôtre.

— Et voilà, mon père ; voilà l’être que je n’ai connu qu’une heure avant de mourir ! Dieu me punit assez de ne pas avoir rempli mes devoirs envers elle, en m’apprenant tout ce qu’elle vaut quand il est trop tard pour que j’en profite. — Non, Ghita, non, ma chère fille, je ne te demande pas un tel sacrifice. Prends cette croix ; elle a appartenu à ma mère, elle l’a portée sur son sein, et je l’ai longtemps portée sur le mien après elle ; garde-la comme un souvenir de ton malheureux aïeul, et prie Dieu pour lui. Mais quitte ce terrible bâ-