Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/31

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d’Inghilterra est un instrument à plusieurs cordes. Votre réponse me prouve, capitano, que vous avez réfléchi sur le gouvernement de votre pays ; et j’honore un homme qui réfléchit dans toutes les situations de la vie. Quelle est la religion de votre pays ?

Corpo di Bacco ! c’est la question la plus difficile de toutes à résoudre, car on compte en Angleterre autant de religions que d’individus. Il est vrai que la loi dit une chose à ce sujet ; mais les hommes, les femmes et les enfants en disent une autre. Rien ne m’a plus tracassé que cette affaire de religion.

— Ah ! de telles pensées, s’il faut dire la vérité, ne troublent pas souvent l’esprit des marins. Eh bien ! nous glisserons sur ce point, quoique, sans doute, vous et tous vos concitoyens vous soyez luthériens ?

— Supposez-nous ce qu’il vous plaira, répondit le capitaine avec un sourire ironique. Dans tous les cas, nos ancêtres étaient tous excellents catholiques. Mais la marine et l’autel sont les meilleurs amis du monde, parce qu’ils vivent dans une indépendance parfaite l’un de l’autre.

— Je pourrais en répondre. C’est à peu près la même chose ici, mon cher Vito Viti, quoique nos marins allument tant de cierges et récitent tant d’Ave.

— Pardon, signor vice-gouverneur, dit le capitaine avec vivacité ; c’est en général la grande méprise de vos marins. S’ils priaient un peu moins, et qu’ils fussent un peu plus attentifs à leurs devoirs, leurs voyages seraient moins longs, et leur profit plus certain.

— Scandaleux ! s’écria le podestat avec une ardeur de zèle qu’il montrait rarement.

— Ce que dit le signor capitano est vrai, digne Vito Viti, dit le vice-gouverneur avec un geste indiquant autant d’autorité que sa concession contenait de libéralité et annonçait un esprit éclairé par l’étude. C’est un fait qu’il faut avouer, et la fable d’Hercule et du charretier vient à l’appui. Si nos marins travaillaient d’abord et priaient ensuite, ils feraient plus de besogne qu’ils n’en font en priant d’abord et travaillant ensuite. — Et maintenant, signor capitano, un mot sur votre langue, que je connais tant soit peu, et que vous parlez sans doute en véritable indigène.

— Certainement, répondit le capitaine, passant à l’instant de l’italien à l’anglais avec un sang-froid imperturbable, et un air de confiance qui semblait prouver qu’il se sentait ferme sur ce terrain ; on ne peut manquer de parler la langue de sa mère.