Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 21, 1844.djvu/348

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réunissait toutes les qualités qui pouvaient le faire aimer de son équipage. Brave, actif, entreprenant, bon et généreux, tout son monde avait pour lui un dévouement porté à un point qui n’est pas commun, même parmi sa nation chevaleresque. La familiarité d’un capitaine avec son équipage n’a pas les mêmes inconvénients chez les Français que chez leurs voisins et leurs grands antagonistes, les Anglais ; car les premiers n’en abusent jamais, et il était naturel à notre héros de parler franchement et à cœur ouvert à tous ceux qui étaient sous ses ordres, quelque place qu’ils occupassent sur son bord. Le caractère des hommes qui devaient lui obéir n’était pas aussi grossier et aussi intraitable que celui des Anglo-Saxons, et le naturel ardent et impétueux de Raoul était précisément ce qu’il y avait de plus propre à lui assurer leur admiration et leur attachement. Aussi se pressaient-ils autour de lui en ce moment sans hésitation et sans réserve, chacun désirant lui exprimer l’inquiétude qu’il avait eue et lui faire entendre ses félicitations.

— Je vous ai laissé jouer autour du feu, mes enfants, dit Raoul, touché des preuves d’affection qu’il recevait ; mais à présent nous prendrons, j’espère, notre revanche. Il y a le long de la côte des embarcations anglaises qui sont en chasse de ma yole : nous tâcherons d’en pincer une ou deux, quand ce ne serait que pour leur apprendre qu’il existe encore un bâtiment nommé le Feu-Follet.

Une exclamation générale de joie lui répondit, et un vieux timonier, qui avait donné à son commandant ses premières leçons de navigation, se fit jour à travers la foule, et lui fit ces questions avec la liberté d’un franc marin.

— Capitaine, dit-il, avez-vous donc vu de près ces Anglais ?

— Oui, Benoît, et d’un peu plus près que je ne l’aurais voulu. Pour vous dire la vérité, la cause qui m’a empêché de vous revoir plus tôt, c’est que j’ai passe mon temps à bord de notre ancienne amie la Proserpine. Ses officiers et son équipage ne pouvaient plus se passer de ma compagnie, une fois qu’ils eurent commencé d’en jouir.

— Diable, capitaine ! — Étiez-vous donc prisonnier ?

— Quelque chose comme cela, Benoît. Du moins ils m’avaient placé sous leur vergue de misaine, les pieds sur un caillebotis, et une corde autour du cou, et à ils allaient me faire hisser en l’air comme espion, quand, fort heureusement, deux ou trois coups de canon, tirés là-bas près de Naples, leur transmirent l’ordre de Nelson de me faire reconduire sous le pont. Comme je n’avais pas de goût pour de pareils amusements, et que je désirais revoir mon cher Feu-Follet, Itouel et moi, nous trouvâmes le moyen de reprendre notre yole, et