CHAPITRE XV.
présent que l’Aurore était replacée sous mon commandement,
il n’était pas facile de décider ce qu’il fallait en faire. Nous étions
précisément à l’entrée des parages occupés par les croiseurs anglais,
et c’eût été une folie d’espérer passer au milieu d’eux sans être
aperçu. Il est vrai que nous pouvions rencontrer vingt vaisseaux de
guerre anglais avant de trouver un autre Rapide pour nous saisir et
nous diriger sur Plymouth, si tout avait été dans l’ordre et dans
l’état ordinaire ; mais aucun croiseur ne pourrait nous aborder sans
demander pourquoi un si grand bâtiment était manœuvré par un si
faible équipage. C’était le sujet de la délibération qui s’était établie
entre Marbre, qui tenait le gouvernail, et moi. Le cuisinier était en
vigie sur le gaillard d’avant ; l’Anglais s’était couché, par mon ordre,
au pied du grand mât, de manière à être bien en vue ; et Neb, toujours
prêt à dormir quand il n’était pas de service, faisait un somme
sur la drome.
— Nous avons repris le bâtiment, Moïse, dis-je en commençant ; la question qui se présente actuellement est celle-ci : que faut-il faire ?
— Le conduire à sa destination, capitaine ; cela va sans dire.
— Oui, cela va sans dire, si la chose est possible ; mais, sans parler de la difficulté qu’il y a pour quatre hommes de manœuvrer un bâtiment de cinq cents tonneaux, la mer, qui est devant nous, est couverte de croiseurs anglais.
— Quant aux quatre hommes, vous pouvez largement les compter pour huit. Oui, je réponds que nous ferons plus de besogne que huit de ces vauriens qu’on ramasse aujourd’hui sur les côtes. Les hommes d’aujourd’hui ne sont que des enfants auprès de ceux qu’on rencontrait quand j’étais jeune, Miles.
— Mais, à votre compte, Neb, le cuisinier et moi, nous ne devons