Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/178

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compter que pour trois ; car nous ne sommes pas du temps passé, mais bien d’aujourd’hui. Je sais que nous pouvons faire quelque chose, pourvu qu’il ne survienne pas de bourrasque ; car, alors, à peine serions-nous capables de serrer la voile de perroquet, en laissant un homme au gouvernail et un autre pour laisser tomber les agrès. Non, non, Moïse, en envisageant les choses au mieux, nous sommes à court de bras.

— Oh ! si vous vous mettez à généraliser ainsi, Miles, il faudra bien que je me range de votre avis, mon cher garçon ; mais nous pouvons remonter la Manche, et il y a dix à parier contre un que nous rencontrerons quelque navire yankee qui nous prêtera quelques matelots.

— Dites plutôt qu’il y a vingt à parier contre un que nous rencontrerons les vaisseaux du roi George, qui se feront montrer notre rôle d’équipage, et qui voudront savoir ce que le reste de nos hommes sont devenus.

— Eh bien ! nous leur dirons qu’ils ont été pressés ; ce sont des tours qui leur sont trop familiers pour qu’ils ne trouvent pas la réponse très-raisonnable.

— Il n’est pas un officier qui eût laissé un bâtiment de cette dimension avec quatre hommes seulement pour en prendre soin, quand il n’aurait trouvé à bord que des déserteurs qu’il eût pu réclamer. En pareil cas, il eût du moins envoyé un détachement de ses propres hommes pour conduire le navire dans un port. Non, non, Moïse ; il faut nous tenir à bonne distance des Anglais, ou ils nous conduiront encore à Plymouth.

— Bien obligé ! je connais la cage, vu que j’y suis resté prisonnier pendant la révolution, et je n’ai nulle envie d’y retourner. Pourquoi ne pas nous diriger vers le nord, Miles ? Il doit y avoir peu de croiseurs dans cette direction.

— La route est trop longue, le temps devient trop brumeux, et la côte est trop dangereuse pour nous, Moïse. Nous n’avons à choisir qu’entre deux partis : ou tourner le cap à l’ouest, et tâcher de regagner l’Amérique, en nous fiant à notre étoile pour rencontrer quelque navire des États-Unis qui vienne à notre secours ; ou bien, gouverner à l’est, et chercher quelque port français, Bordeaux ; par exemple, où nous puissions ou vendre notre cargaison, ou recruter quelques matelots et gagner notre lieu de destination.