Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/212

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CHAPITRE XVIII.


— Vous et moi, nous nous sommes connus, Monsieur.
— Sur mer, je crois ?
— Oui, Monsieur
— Vous avez réussi sur mer ?
— Et vous sur terre.
Antoine et Cléopâtre.



C’est un panorama mobile que j’ai à mettre sous les yeux du lecteur. Dès que l’Aurore fut à près de deux milles des frégates anglaises, nous mîmes de nouveau nos huniers sur le mât, car je brûlais du désir d’être spectateur de ce qui allait suivre ; mes compagnons le partageaient au même degré ; et, les yeux fixés sur les combattants, c’est à peine s’ils songeaient à notre bâtiment. Sans doute il y avait de l’imprudence à ne pas profiter de ce moment de répit pour nous éloigner ; mais il faut penser que des deux côtés on avait affaire à trop forte partie pour que le vainqueur n’eût pas aussi de fortes avaries à réparer, sans parler des prises à armer, et des mille autres chances qui pouvaient nous être favorables ; mais, sans parler même de ces considérations, l’intérêt que nous éprouvions tous était si vif qu’il absorbait tout autre sentiment, et il nous eût été moralement impossible de nous retirer avant la fin du combat. Cependant les combattants se rapprochaient de plus en plus les uns des autres. Le Rapide était venu se poster un peu au vent du sillage du Prince-Noir, quoique à une demi-encâblure en arrière. Les frégates françaises étaient encore en ordre plus serré, et, à la manière dont elles avançaient, elles devaient bientôt placer le Prince-Noir entre deux feux. Les quatre bâtiments étaient sous leurs huniers, leurs focs et leurs brigantines, avec les basses-voiles sur les cargues. Les Anglais avaient leurs huniers cargués, tandis que ceux des Français étaient encore bordés à toucher, avec les vergues sur le ton. Les quatre frégates avaient amené les vergues de cacatois ; c’étaient bien les préparatifs d’un combat, et tout annonçait que M. Menneval voulait qu’il fût sérieux.

Le premier coup de canon fut tiré par la Désirée, qui était en