CHAPITRE XVIII.
— Sur mer, je crois ?
— Oui, Monsieur
— Vous avez réussi sur mer ?
— Et vous sur terre.
est un panorama mobile que j’ai à mettre sous les yeux du
lecteur. Dès que l’Aurore fut à près de deux milles des frégates
anglaises, nous mîmes de nouveau nos huniers sur le mât, car je
brûlais du désir d’être spectateur de ce qui allait suivre ; mes compagnons
le partageaient au même degré ; et, les yeux fixés sur les
combattants, c’est à peine s’ils songeaient à notre bâtiment. Sans
doute il y avait de l’imprudence à ne pas profiter de ce moment de
répit pour nous éloigner ; mais il faut penser que des deux côtés on
avait affaire à trop forte partie pour que le vainqueur n’eût pas aussi
de fortes avaries à réparer, sans parler des prises à armer, et des
mille autres chances qui pouvaient nous être favorables ; mais, sans
parler même de ces considérations, l’intérêt que nous éprouvions
tous était si vif qu’il absorbait tout autre sentiment, et il nous eût
été moralement impossible de nous retirer avant la fin du combat.
Cependant les combattants se rapprochaient de plus en plus les
uns des autres. Le Rapide était venu se poster un peu au vent du
sillage du Prince-Noir, quoique à une demi-encâblure en arrière.
Les frégates françaises étaient encore en ordre plus serré, et, à la
manière dont elles avançaient, elles devaient bientôt placer le
Prince-Noir entre deux feux. Les quatre bâtiments étaient sous
leurs huniers, leurs focs et leurs brigantines, avec les basses-voiles
sur les cargues. Les Anglais avaient leurs huniers cargués, tandis
que ceux des Français étaient encore bordés à toucher, avec les
vergues sur le ton. Les quatre frégates avaient amené les vergues de
cacatois ; c’étaient bien les préparatifs d’un combat, et tout annonçait
que M. Menneval voulait qu’il fût sérieux.
Le premier coup de canon fut tiré par la Désirée, qui était en