seraient que des paysans, il est vrai, car les matelots étaient rares dans cette partie du monde ; mais ce serait toujours mieux que rien. Je lui dis que je lui donnerais une guinée par homme qu’il me procurerait, et je me séparai du vieux Michel, qui venait de piloter un bâtiment pour la dernière fois sans doute, et, comme je suis fortement tenté de le soupçonner, pour la première fois aussi de sa vie.
CHAPITRE XXI.
e n’ai jamais su exactement sur quel point des côtes d’Irlande
nous avions jeté l’ancre. Ce devait être quelque part entre Strangford
et la baie de Dundrum ; mais le nom du promontoire qui nous procurait
une sorte d’abri ne m’est pas connu. Nous avions du moins
la consolation de penser que nous étions dans une partie du royaume
qui était civilisée, ce qui, en cas de naufrage, nous assurait un bon
accueil.
Nous étions dans notre mouillage depuis une heure, quand le vent tourna plus à l’est Il était impossible de songer à reprendre de l’aire, par une pareille bourrasque et avec un si faible équipage. Avec la mer la plus calme et le temps le plus favorable, il nous eût fallu plus d’une demi-journée pour lever les deux ancres. Il fallait donc concentrer nos efforts sur les moyens de résister de notre mieux à l’ouragan.
Plusieurs heures se passèrent sans qu’il arrivât rien de remarquable, si ce n’est que le vent augmentait sensiblement de violence. Cependant, vers le coucher du soleil, il arriva un petit incident qui me donna beaucoup de souci, quoique, depuis le commencement de la tempête, j’eusse de sinistres pressentiments. Deux voiles étaient en vue tout près de nous, du côté du vent, serrant la côte. En tête était un cutter, courant presque vent arrière, sous une voile de