Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/267

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affrontant les vagues sans paraître y faire aucune attention. Le vieux marin qui dirigeait toute la manœuvre ne se fut pas plus tôt assuré de la force du vent contre lequel il avait à lutter, que la grande voile fut amurée.

La frégate était alors sous la voilure la plus fringante qu’il fût possible de porter par une brise aussi forte, portant ses basses voiles et des ris à ses huniers ; chargée de voiles, elle pouvait les diminuer en un instant.

Malgré l’imminence du péril auquel nous venions récemment d’échapper, nous ne perdions pas un seul des mouvements de la frégate, et nous les considérions tous les trois avec la satisfaction d’un connaisseur qui est en extase devant un beau tableau.

Pendant que la frégate diminuait de voiles et venait au plus près, elle s’était éloignée de plus d’un quart de mille. Il nous fallait donc attendre qu’elle pût courir des bordées dans la direction où nous étions. En effet, elle courut un bord au sud, et quand elle fut sur la même ligne que la chaloupe, elle vira vent devant et vint vers nous, ses vergues brassées au plus près, mais ayant le vent presque par son travers. Quand elle ne fut plus qu’à une encâblure, les basses voiles furent carguées. Alors le noble navire passa si près de nous en ayant la lame par le travers, qu’il put nous parler. Le vieil officier se tenait dans le passavant du vent avec un porte-voix, et il nous héla dès que nous fûmes à portée de l’entendre. Au lieu de nous faire des questions pour satisfaire sa curiosité, il nous communiqua ses intentions.

— Je mettrai en panne quand je vous aurai dépassés, s’écria-t-il. Vous pourrez alors arriver sous ma poupe le plus près possible, et nous vous jetterons une amarre.

Dès que la frégate eut assez d’espace, elle vira donc vent arrière, en changeant les amures et en brassant carré la grande vergue.

Quand le bâtiment fut immobile, Neb largua l’amarre, et Marbre et lui armèrent deux avirons. Nous arrivâmes sans trop de peine et en moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, sur la frégate, avec une vitesse incroyable. Je gouvernai et passai si près du gouvernail de la frégate, que je craignis un instant de m’être trop approché. Un cordage nous fut jeté comme nous passions devant la hanche sous le vent, et les matelots nous halèrent le long du bord. Nous fûmes bientôt sur le gaillard d’arrière ; un vieillard aux épaules carrées, de