Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/289

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bord de la frégate, à la suite de leur officier, pour causer un moment avec leurs anciens camarades. Presque au même instant l’officier de quart s’écria :

— Faites passer à l’arrière l’embarcation de la Minerve, pour faire place au canot du capitaine qu’on va mettre à l’eau.

L’embarcation était, il est vrai, à bâbord ; mais comme la mer battait avec quelque vivacité le flanc de tribord, lord Harry était disposé à brûler la cérémonie plutôt que de mouiller son uniforme. Je ne saurais trop dire quelle fut la série de raisonnements qui me fit prendre le parti auquel je m’arrêtai. Sans doute les remarques que je venais d’entendre, et qui me rappelaient si vivement tout le danger de ma position, y furent pour beaucoup. Mais peu importe le mobile ; voici quelle fut ma conduite.

Je détachai mes fers, et je me glissai par le sabord, où je restai suspendu par les mains contre le flanc du navire. Je courais grand risque d’être découvert, mais le bonheur voulut que Marbre et Neb fussent les seuls qui me virent. Le premier me saisit par les jambes au moment où l’embarcation passait sous le sabord ; et, m’aidant à descendre, il me dit tout bas de me coucher au fond du canot. L’instant d’après nous étions à l’arrière, et Neb se tenait accroché avec la gaffe à l’une des chaînes du gouvernail. Nous y restâmes immobiles jusqu’au moment où le canot du capitaine passa près de nous, conduisant lord Harry au lieu de débarquement ordinaire.

En deux minutes le canot était hors de vue, et Marbre dit à Neb de retirer la gaffe. Aussitôt notre embarcation, favorisée par le vent et par la marée, commença à s’éloigner du Rapide. Personne ne fit attention à nous. On était trop occupé des détails de l’arrivée et du désir d’aller à terre. Une circonstance qui nous était particulièrement favorable, c’était le départ du capitaine. Lord Harry Dermond était un officier plein de vigilance et d’activité ; mais son premier lieutenant était ce qu’on appelle à bord un pauvre diable ; phrase assez significative par elle-même pour n’avoir pas besoin de commentaire. Or, du moment qu’un capitaine a le dos tourné, il y a plus de négligence et de laisser-aller à bord du bâtiment, surtout lorsque le lieutenant a peu d’influence. Il semble que chacun soit plus libre de faire ce qu’il lui plaît. En un mot, l’équipage met en action le proverbe : « Quand le chat est dehors, les souris dansent sur la table. »

Dès que nous fûmes à cinquante pieds du Rapide, je me levai, et