Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/326

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vingt ans de plus, il eût été un des hommes les plus riches du comté. Il avait jeté des fondements excellents ; mais il mourut trop jeune pour voir s’élever l’édifice.

Quel changement soudain ! non-seulement je me voyais affranchi de toute dette, mais Clawbonny m’était rendu ! L’Aurore seule et l’argent que j’y avais placé étaient des pertes irréparables, mais, en compensation, j’héritais de la fortune de Jacques Wallingford. Elle se composait d’une somme considérable placée dans le 3 %, qui était alors à soixante, et qui devait plus tard atteindre le pair ; d’actions de la banque et de compagnies d’assurances ; de créances et d’obligations hypothécaires ; de belles et bonnes terres dans la partie occidentale du comté, et de plusieurs maisons à New-York. En un mot, j’étais plus riche que Lucie elle-même, et je cessais d’être une charge pour elle. Était-il rien de comparable à mon bonheur ? Je regardai Lucie pour jouir de son ravissement ; mais cet accroissement de richesses avait produit sur elle un effet tout différent. Elle regrettait d’avoir perdu l’occasion de me témoigner sa confiance en remettant entre mes mains toute sa fortune. Néanmoins elle n’était pas moins attachée que moi à Clawbonny, et ma restauration sur le trône de mes ancêtres lui fit éprouver un vif sentiment de joie.

M. Harrison ajouta qu’il s’était assuré que Daggett était à New-York, pour s’occuper de l’arrangement projeté avec moi, et qu’il venait d’envoyer un de ses clercs à M. Meekly, son homme d’affaires, pour lui faire connaître l’existence du testament. Il avait donc grand espoir que les choses ne traîneraient pas en longueur. En effet, nous étions encore à table quand le clerc vint annoncer qu’on proposait de se réunir immédiatement dans le cabinet de M. Harrison, et nous nous y rendîmes tous, à l’exception de Lucie. Nous reconnûmes du premier coup d’œil que le procureur et son client étaient également consternés, le premier n’ayant pas mis dans la conduite de cette affaire toute la délicatesse dont son caractère eût dû lui faire un devoir.

— Voilà pour nous d’étranges nouvelles, monsieur Harrison ! dit en commençant le procureur, et il faut toute la considération et toute la confiance dont vous jouissez, à juste titre, pour y ajouter foi. Êtes-vous bien sûr qu’il n’y ait pas ici quelque méprise ?

— Pas la moindre, monsieur Meekly. Ayez la bonté de parcourir le testament, et vous verrez que les faits sont tels qu’ils ont été rap-