Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/355

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sances jusqu’alors inconnues, elle fait aujourd’hui tellement partie de mon existence, qu’il me semble qu’elle en est devenue inséparable, et que je ne puis concevoir la vie, si ce lien qui m’y rattache venait jamais à se rompre.

Quand je parcours ma chère propriété de Clawbormy, je me rappelle avec un doux sentiment de joie, et, je l’espère, avec une humble reconnaissance, la manière dont se sont écoulées ces délicieuses années. Lucie m’accompagnait dans toutes mes promenades, et écoutait avec un tendre intérêt et avec l’attention la plus indulgente toutes les idées qui s’échappaient de mes lèvres, me rendant pensée pour pensée, sourire pour sourire, et quelquefois même larme pour larme. Pas une émotion ne pouvait s’élever dans mon âme, qui ne trouvât un écho dans la sienne, pas une sensation de plaisir que son humeur douce et enjouée ne doublât en la partageant. Ce furent les années où s’exécutèrent les plans d’agrandissement et d’amélioration que j’avais formés pour Clawbonny, mais sans rien changer au caractère primitif du bâtiment. Après avoir passé ainsi le premier été qui suivit notre mariage, je dis à Lucie qu’il était temps de laisser dormir un peu les travaux à Clawbonny, pour nous occuper de la propriété dont elle avait hérité de mistress Bradfort, et qui était aussi un bien patrimonial.

— N’y pensez pas, Miles, me répondit-elle. Que Riversedge soit entretenu avec soin, c’est tout ce qu’il faut. Rupert — il y demeurait alors — veillera à ce que rien ne tombe en ruine. Mais Clawbonny, le cher Clawbonny est la véritable résidence des Wallingford ; et je suis une Wallingford à présent, ne l’oubliez pas. Quand notre fils aîné sera en âge de se marier, il pourra aller résider là-bas, si bon lui semble, jusqu’à ce que nous soyons disposés à lui céder la place ici.

Ce plan ne fut pas exécuté à la lettre ; car Miles, mon fils aîné, passe l’été avec nous à Clawbonny ; et ses enfants tapageurs sont, dans ce moment même, en train de jouer à la balle dans un champ qui est réservé exclusivement à leurs plaisirs.

La période qui suivit les six premières années de notre mariage ne fut pas moins heureuse, quoiqu’elle prît un nouveau caractère. Nos enfants durent entrer alors en ligne de compte, non comme de simples jouets, ou de petits êtres qu’on pouvait manger de caresses et entourer de soins, mais comme des créatures qui possédaient