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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/356

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l’image de Dieu dans leurs âmes, et dont plus tard le caractère dépendrait en grande partie de la direction première qui leur serait donnée. La manière dont Lucie gouvernait ses enfants, et les amenait par des voies douces et insensibles à la vérité et à la vertu, a toujours été pour moi un sujet d’admiration et de profonde gratitude. Son principe a toujours été un principe d’amour. Je ne sache pas avoir jamais entendu sa voix s’élever sur le ton de la colère en parlant à une créature humaine, encore moins à ses enfants. Quand il fallait en venir à un reproche, c’était du ton de l’intérêt et de l’affection, modifié plus ou moins par la sévérité, suivant que les circonstances l’exigeaient. Le résultat a été tout ce que nos plus avides espérances pouvaient désirer.

Quand nous voyagions, c’était toujours avec nos enfants, et alors c’était une nouvelle source de jouissances. Tous ceux qui ont parcouru le monde ont éprouvé combien les voyages agrandissent les idées et élargissent en quelque sorte le cercle de notre existence. Quel plaisir de voir ces jeunes intelligences s’ouvrir à une foule d’idées et de sensations nouvelles, et de voir se développer l’être moral, en même temps que nous voyons le corps grandir et se fortifier ! Lucie était merveilleusement propre à diriger cet essor de nos enfants. Elle avait beaucoup lu ; et sans ostentation, sans orgueil, elle était toujours prête à donner les explications qui pouvaient être désirées, ou à rectifier telles impressions qui n’étaient pas justes. Ce fut alors que j’appréciai l’inestimable avantage d’avoir une compagne au point de vue intellectuel dans sa femme. Lucie avait toujours eu une intelligence remarquable, mais je n’en sentis toute la supériorité que quand nous voyageâmes ensemble au milieu des souvenirs qui s’attachent à chaque pas, à chaque pierre dans l’ancien monde. L’Amérique est le plus grand pays des temps anciens et modernes ; je ne le conteste pas. Tout le monde le dit, et ce que tout le monde dit ne peut manquer d’être vrai. Néanmoins, je me hasarderai à avancer que, toutes choses égales, et pourvu seulement qu’on soit doué de la faculté de penser, l’existence intellectuelle de tout Américain qui a voyagé en Europe est plus que doublée. L’Amérique est un pays d’action et non de réflexion. Le fait domine au lieu de la raison. On ne trouve point ici cette multiplicité d’objets et d’événements qui, dans les pays anciens, tient sans cesse l’esprit éveillé. C’est cette absence d’un présent et d’un passé qui fait que l’Améri-