Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/45

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— Qu’on dit que j’élève ! J’ai bien certainement entre les mains l’obligation de George Wetmore, avec une bonne hypothèque consentie par sa femme, laquelle obligation monte avec les intérêts et les frais à la somme de 963 dollars ; et je vais faire procéder à la vente, conformément à la loi. J’ai déjà accordé une remise, pour obliger la veuve ; car on a des entrailles, et il en coûte de presser trop une femme seule et âgée ; mais pourtant il faut bien finir par rentrer dans son argent. Vous savez, Monsieur, que je perds l’intérêt des intérêts, et qu’il faut que je me contente de ce que la loi m’accordera. C’est assez dur dans des temps d’activité comme ceux-ci où il ne se passe pas un jour où il ne se présente une occasion d’escompter du papier excellent. Le commerce a pris un tel essor, monsieur Wallingford, qu’il y a des hommes qui vendraient presque leur âme pour de l’argent.

— Oui, je crois qu’il y en a en effet qui en sont capables. Mais il paraîtrait — je commençais à entrer un peu dans mon rôle d’avocat — que George Wetmore a remboursé la somme intégralement.

— Vous oubliez donc, Monsieur, que l’obligation hypothécaire est toujours entre mes mains. Vous êtes homme d’affaires, et vous devez connaître la valeur de simples commérages et le danger d’y attacher trop d’importance. George Wetmore n’était pas un imbécile ; il n’était pas homme à payer sans reprendre l’acte, ou tout au moins sans se faire donner une quittance ; encore moins à laisser subsister une hypothèque, quand il eût été si simple d’en obtenir la radiation.

— Je suis informé qu’il reçut en effet votre quittance, mais on présume qu’il la perdit avec son portefeuille, qui tomba sans doute de la poche de son habit, le jour même où il revint du tribunal où il avait eu rendez-vous avec vous, et où il assura qu’il vous avait remis l’argent, pour que les intérêts ne courussent pas plus longtemps.

— Voilà un conte bien puéril, et vous ne supposez pas que le chancelier s’en contentera, quand il ne repose que sur un ouï-dire rapporté par la partie intéressée à conserver le bien. Vous savez, Monsieur, que la vente ne peut être arrêtée que par une injonction de la Cour de la Chancellerie.

Certes, je n’étais pas un grand légiste ; mais, comme tout Américain, je connaissais cette branche de la jurisprudence du pays, qui se rattachait à mes intérêts. Comme propriétaire, je n’étais pas sans