Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/100

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sœur. Ah ! j’aimerais mieux être mort que de vivre pour voir cela.

— Non, Robert, ce n’est pas ça, ajouta Maud. Ma mère ne s’oppose jamais aux idées de mon père. Les bonnes épouses, vous le savez, ne se conduisent jamais ainsi. Elle priera seulement pour qu’il ne s’engage pas dans une route sur laquelle ses enfants le verraient avec regret. Quant à moi, je ne compte pour rien là-dedans.

— Et Beulah, Maud, n’y est-elle pour rien aussi ? Beulah priera-t-elle pour la défaite de son frère, pendant toute cette guerre ? C’est sans doute le pressentiment de cette différence d’opinions qui vous a portée à m’oublier, tandis que Beulah et ma mère passaient tant d’heures à remplir la corbeille.

— Peut-être êtes-vous injuste envers Maud, Robert, dit Beulah en souriant. Personne ne vous aime plus que notre sœur, personne n’a pensé plus à vous pendant votre absence.

— Pourquoi alors la corbeille ne contient-elle aucune preuve de ce souvenir ? pas même une chaîne de cheveux, une bourse, une bague ? quelque chose enfin qui me montre que je n’ai pas été oublié.

— Et quand cela serait, dit Maud avec vivacité, en quoi suis-je plus blâmable que vous-même ? Où sont les preuves que vous avez pensé à nous.

— Les voilà, reprit le major, posant devant ses sœurs deux petits paquets sur lesquels leurs noms étaient marqués. Ma mère a le sien aussi, et mon père n’a pas été oublié.

Les exclamations de Beulah prouvèrent combien elle était reconnaissante de ces présents, composés principalement d’objets de toilette et de bijoux. Elle embrassa d’abord le major, et déclarant qu’il fallait que sa mère vît ce qu’elle avait reçu, elle se précipita hors de la chambre. Maud ne fut pas moins charmée, ce que montraient assez ses joues en feu et ses yeux pleins de larmes, mais elle contint davantage l’expression de ses sentiments. Après avoir examiné chaque chose avec plaisir, pendant une minute ou deux, elle vint d’un mouvement impétueux vers la corbeille, en renversa le contenu sur la table, jusqu’à ce qu’elle eût trouvé l’écharpe, qu’elle agita vers le major, en lui disant avec un léger sourire :

— Et cela, incrédule, n’est-ce rien ? N’a-t-il fallu qu’une minute pour le faire ? Qu’en pensez-vous ?