Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/118

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Il lui semblait qu’elle se trouvait constamment sur le point de trahir son secret, et elle croyait que cette découverte causerait aussitôt sa mort. Survivre à sa honte était impossible à ses yeux ; elle appela à son aide toute son énergie pour refouler ses pensées au plus profond de son âme. Elle avait été si près de tout révéler à Beulah, qu’elle tremblait à la seule idée du précipice sur la pente duquel elle s’était trouvée, et raffermissait ses résolutions par le souvenir du danger qu’elle avait couru.

Par une mesure de prudence, les projets de départ du jeune homme avaient été tenus secrets dans tout l’établissement. Nick avait disparu dans le cours de la nuit en emportant la malle du major ; il s’était rendu au point désigné, près du ruisseau, où il devait être rejoint par son compagnon de voyage à une heure convenue. Il y avait plusieurs sentiers qui conduisaient à l’établissement ; le plus fréquenté était dans la direction du vieux fort de Stanwix ; il allait du nord au sud, le long des rives de la Mohawk ; c’était la route par laquelle le major était venu. Un autre longeait l’Otségo, et joignait la Mohawk à l’endroit que nous avons plus d’une fois mentionné dans nos premiers chapitres. Comme c’étaient les deux sentiers les plus ordinaires, si l’on peut appeler sentiers ces chemins où la trace des pas était à peine visible, il était plus que probable qu’on y attendrait le voyageur s’il y avait quelque plan convenu pour l’arrêter. En conséquence, le major avait résolu de les éviter tous deux et de marcher hardiment dans les montagnes jusqu’à ce qu’il atteignît la Susquehannah, de traverser ensuite ce ruisseau sur des radeaux, de suivre des bancs de sable le long d’un de ses affluents de l’est jusqu’à la haute terre qui sépare les eaux de la Mohawk de cette dernière rivière ; il traverserait ensuite obliquement les eaux qui, dans cette partie du pays, se dirigent généralement vers le nord ou vers le sud. Évitant Schenectady et Albany, il se dirigerait vers les anciens établissements des émigrés venus du Palatinat, et gagnerait le détroit d’Hudson à un endroit qu’il croyait sûr, quoiqu’il y eût près de là des passages fréquentés dans les montagnes. Il devait voyager comme un propriétaire venant de visiter ses possessions, et son père lui fournit un plan et un vieux titre pour donner plus d’appui à son caractère supposé, dans le cas où il serait soupçonné ou arrêté. Cependant les dangers étaient peu à craindre ; la guerre étant encore trop récente pour qu’on pût s’occuper des défiances