Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/149

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raient tant nous avoir près d’eux en parfaite sécurité ! Et alors Bob, aussi, peut-être amènerait avec lui une femme de la ville, que j’aimerais comme Beulah. — C’était pour Maud une pensée de chaque jour d’aimer la femme de Bob et de le rendre heureux en contribuant au bonheur de ceux qu’il aimait le plus. — Non, je ne pourrais jamais l’aimer autant, que Beulah ; mais elle me sera très-chère, elle devra m’être chère puisqu’elle sera la femme de Bob.

L’expression du visage de Maud vers la fin de ce monologue était d’une singulière tristesse, tristesse qui peignait bien ce qui se passait dans son âme à l’instant même où la résignation et la soumission à ses devoirs la faisaient lutter contre ses propres sentiments.

À cet instant un cri s’éleva dans la vallée. C’était un de ces cris d’alarme spontanés, involontaires, que l’art ne peut imiter, ni la plume décrire, mais qui remplit de terreur celui qui l’entend. Aussitôt après on vit les hommes du moulin arriver au sommet de la colline qui dominait leurs habitations, leurs femmes les suivaient en en traînant leurs enfants après elles, et faisant des gestes frénétiques. Le premier mouvement de Maud fut de s’enfuir, mais elle réfléchit qu’il était trop tard et qu’il serait plus sûr et plus sage de rester. Ses vêtements étaient sombres, et elle ne pensait pas pouvoir être aperçue à la distance à laquelle elle était placée et ayant derrière elle un amas de rochers. Alors la scène devint telle qu’il n’y eut plus moyen d’hésiter, et une sorte de curiosité involontaire se mêla à ses alarmes.

Le premier cri de la vallée fut suivi de l’apparition de ceux qui fuyaient le moulin ; ils se dirigèrent vers la Hutte, appelant les laboureurs les plus proches pour les engager à fuir avec eux. Il ne parvenait vers le roc que des sons indistincts, mais on ne pouvait se méprendre sur les gestes. En une demi-heure, la plaine fut animée par les fugitifs ; quelques-uns rentraient dans leurs cabanes pour emmener leurs enfants, et tous ensuite prenaient la direction de la palissade. En cinq minutes les routes et les chemins bordés de haies, près du Rocher, furent couverts d’hommes, de femmes et d’enfants pressés de trouver un refuge. Quelques-uns des premiers franchirent les portes et se mirent en quête de leurs armes.

Le capitaine Willoughby était à cheval au milieu de ses labou-