Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Maud ; elle ne voyait que le beau côté du tableau, Robert, joyeux et brillant, admiré de tous, la physionomie riante, heureux et faisant le bonheur des siens. Le capitaine sympathisait avec sa favorite. Accoutumé aux armes, il se réjouissait de voir ouverte à son fils unique une carrière où il avait lui-même, il ne se le dissimulait pas, en partie échoué. Il couvrit Maud de caresses, et sortit précipitamment de la maison, sentant son cœur trop plein pour qu’il s’exposât à trahir sa faiblesse en présence des femmes.

Huit jours plus tard, les dernières neiges de la saison ayant disparu, le capitaine Willoughby et sa femme quittèrent Albany pour se rendre à la Hutte. Les adieux furent tendres et douloureux pour les parents quoique, après tout, ils ne fussent séparés de leurs bien-aimés enfants que par une distance d’environ cent milles mais cinquante de ces milles étaient des déserts, et pour franchir le reste, il fallait traverser des forêts épaisses et dénuées de routes ou naviguer sur des fleuves pleins de dangers. Les communications ne pouvaient être que rares et difficiles. Cependant elles ne devaient pas être entièrement interrompues, et la prévoyante mère laissa à la maîtresse de pension, madame Waring, de nombreuses recommandations sur la santé de ses filles et sur les moyens de les faire revenir en cas d’accidents sérieux.

Madame Willoughby avait souvent surmonté, à ce qu’elle croyait, les difficultés d’un voyage entrepris de concert avec son mari à travers les solitudes. On a coutume de vanter hautement le passage des Alpes par Napoléon ; mais jamais une brigade ne s’est avancée pendant vingt quatre heures à travers les solitudes américaines, sans rencontrer des obstacles physiques bien autrement embarrassants, excepté dans les cas où un cours d’eau vient offrir les secours de la navigation. Néanmoins, le temps et la nécessité avaient créé des espèces de routes militaires, vers les points les plus importants de la frontière occupés par les garnisons britanniques, et madame Willoughby n’avait pas encore rencontré les rudes épreuves qu’elle allait avoir à subir.

Les cinquante premiers milles se firent en traîneau en quelques heures, et sans trop de fatigue. Cela conduisit les voyageurs à une auberge hollandaise sur les bords de la Mohawk, où le capitaine avait souvent fait ses haltes, et où il envoyait de temps en temps ses éclaireurs pendant l’hiver et le printemps. Là, un cheval avait été préparé pour madame Willoughby, et le capitaine le conduisant