Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/232

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— Avez-vous quelque chose de particulier à me communiquer, Strides ? demanda le capitaine en affectant un calme qui était loin de son esprit, ou pouvez-vous faire votre récit devant tout l’établissement ?

— C’est comme il plaira au capitaine, répondit le rusé démagogue ; quoique, selon moi, chacun ait le droit de tout connaître dans une affaire qui touche les intérêts communs.

— Attention ! cria le sergent. Par peloton, droite.

— C’est inutile, Joyce, interrompit le capitaine, en faisant un signe de la main ; qu’ils restent. — Vous avez communiqué avec nos visiteurs, je pense, Strides ?

— Et c’est une terrible espèce de visiteurs. Je n’ai jamais rien vu de plus laid que ces Mohawks et ces Onondagas.

— Leur physionomie m’est indifférente. Quel est l’objet de leur visite ?

— Ils sont, m’ont-ils dit, envoyés par les colonies pour se saisir du capitaine et de sa famille.

En prononçant ces paroles, Joël jeta un regard sur les visages qui se trouvaient devant lui afin d’y lire l’effet qu’elles pouvaient avoir produit. Il était évident qu’elles n’avaient pas été perdues.

Le capitaine, cependant, parut calme, et il y avait un air d’incrédulité dans le sourire qui passa sur ses lèvres.

— Alors vous venez ici pour nous faire connaître leurs intentions, dit-il tranquillement.

— Oui, Monsieur ; et c’est pour moi une mauvaise commission.

— Y a-t-il donc quelque personnage important qui se dise chargé de remplir un si haut devoir ?

— Il y a parmi eux un ou deux blancs qui prétendent être autorisés à agir au nom du peuple.

À chaque allusion faite au peuple, Joël regardait ses partisans. Il s’aventura même cette fois à envoyer un regard d’intelligence au meunier.

— S’ils sont autorisés, pourquoi se tiennent-ils si loin ? Je ne me suis jamais opposé aux lois, pour que ceux qui agissent en leur nom puissent craindre de ma part une résistance.

— C’est qu’il y a deux lois en opposition, par ce temps : la loi du roi, et la loi du peuple. Si les Indiens viennent en vertu de la loi du peuple, ils peuvent penser que le capitaine est pour la loi du roi.