Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/316

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nouvelle pour la bande. Ces hommes ne s’informèrent pas comment leur excellent maître avait reçu le coup de la mort, ils pensèrent seulement à l’étendue de ce malheur et aux moyens de retourner à la Hutte. Joyce était l’âme du parti ; l’expression de son visage était sévère et impérative, mais tout signe de faiblesse avait disparu. Il donna ses ordres promptement, et ses hommes ne purent s’empêcher de tressaillir en l’entendant parler.

Les carabines furent converties en brancard, le corps fut placé dessus, et les quatre hommes s’avancèrent dans un triste silence. Nick était en tête, indiquant les difficultés du sentier avec une sollicitude et une douceur de manières que jusqu’à présent on n’avait pas remarquées en lui. Il était devenu femme, pour employer une de ses expressions favorites.

Personne ne parlait. Tous marchaient avec bonne volonté, et la retraite se faisait assez rapidement. Nick dirigeait la marche, choisissant le terrain mieux que n’eussent pu le faire les hommes blancs. Il avait souvent traversé toutes ces montagnes en chassant, et les avenues de la forêt lui étaient aussi familières que le sont à un bourgeois les rues de sa ville natale. Il n’offrit pas d’être un des porteurs, c’eût été contraire à ses habitudes. Son appréhension était, à ce qu’il disait, de voir les Mohawks scalper le mort, malheur qu’il désirait éviter autant que Joyce lui-même. Malgré la ferme résolution de tous ces hommes, la marche fut longue et pénible. La distance était de plus de deux milles, et ils avaient contre eux les inégalités et les obstacles de la forêt. Cependant leur force et leur persévérance vainquirent toutes les difficultés, et au bout de deux heures ils atteignirent l’endroit où il devenait nécessaire d’entrer dans le lit du ruisseau ou d’exposer le triste cortège à être vu des rôdeurs qui pouvaient se trouver derrière la Hutte.

Le courage du désespoir avait soutenu ces hommes pendant leur marche. Ils n’avaient pas réfléchi, et cette circonstance les avait favorisés ; car la hardiesse rencontre moins de difficultés dans les guerres que l’inquiétude et la timidité ; mais l’embarras qui se présentait maintenant était plus difficile à surmonter que les autres. On allait se trouver en présence de la famille du mort ; il fallait apprendre à sa femme et à ses filles le malheur que la divine providence avait tout à coup envoyé sur leur maison.

— Mettez le corps par terre, mes braves, et arrêtez-vous, dit