Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/320

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crime pendant les trente ans qui s’étaient écoulés entre sa première correction et l’époque présente ; les circonstances l’en avaient toujours empêché. Les punitions suivantes n’avaient fait qu’augmenter son désir de se venger, mais le temps avait bien affaibli ce désir, qui n’aurait peut-être jamais reparu sans les malheureuses allusions de la victime à ce sujet. Le capitaine Willoughby, soldat anglais de l’école du dernier siècle, était naturellement humain et juste, mais il adoptait pleinement cet axiome militaire : les régiments les plus sévèrement punis sont ceux qui se battent le mieux. Et peut-être n’était-il pas dans l’erreur en ce qui regarde les Anglais de la basse classe. Il aurait fallu ne pas appliquer cette maxime à un sauvage américain qui avait été chef et qui n’en avait pas perdu tous les sentiments. Malheureusement, dans un moment où tout dépendait de la fidélité du Tuscarora, le capitaine se souvint de son ancien expédient pour s’assurer une prompte obéissance, et il fit allusion. Selon l’expression de Nick, les vieilles blessures devenaient cuisantes ; le projet indécis depuis trente ans se trouva soudain arrêté, et le couteau traversa le cœur de la victime avec une rapidité qui ne lui laissa même pas le temps de se recommander à Dieu. En une demi-minute, le capitaine Willoughby avait cessé de respirer.

Tel avait été l’acte de l’homme qui franchissait maintenant l’ouverture de la palissade et qui entrait dans l’habitation de sa victime. Un profond silence régnait au dedans et au dehors de la Hutte, et personne ne paraissait pour s’informer de ce que voulait ce visiteur inattendu. Nick passa sans bruit et trouva la porte fermée. Il fallait absolument frapper pour la faire ouvrir ; c’est ce qu’il fit.

— Qui est là ? demanda le vieux Pline de l’intérieur.

— Ami, ouvrez la porte. Moi venir avec message du capitaine.

La haine des noirs de la Hutte pour les Indiens s’étendait jusqu’au Tuscarora. Cette aversion était mêlée de crainte, et il était difficile pour des êtres ignorants de faire une distinction entre un Indien et un autre Indien. Dans leur imagination, éprise du merveilleux, les Onéidas, les Tuscaroras, les Mohawks, les Onadagas et les Iroquois étaient tous unis ensemble dans une inextricable confusion, car pour eux un Homme Rouge était un Homme Rouge, et un sauvage un sauvage.

Il n’est donc pas surprenant que Pline l’ancien hésitât à ouvrir