Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/371

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je suis Robert Willoughby, et voici Maud Meredith, ma femme.

Mike tressaillit, il se disposait même à saisir un mousquet qu’il avait posé sur l’herbe. Pour l’Indien, un arbre de la forêt n’aurait pu être plus immobile que lui à cette interruption inattendue. Ils restèrent tous quatre silencieux, examinant les changements que le temps avait apportés en eux.

Willoughby était dans la force de l’âge. Il avait servi avec distinction. Sa physionomie militaire avait un air de robuste vigueur. Maud, dont les gracieuses formes étaient bien dessinées par son amazone, Maud, dont les traits délicats étaient toujours purs, ne paraissait pas avoir plus de trente ans, quoiqu’elle en eût réellement dix de plus. À l’égard de Mike et de Nick, c’était bien différent. Ils avaient vieilli, non-seulement de fait, mais encore en apparence. L’Irlandais approchait de soixante ans. Son visage rude, hâlé, rouge comme le soleil vu à travers un brouillard, se ressentait des fatigues et du Santa-Cruz ; il était ridé, un peu maigri. Mike était toujours robuste et fort. Son aspect n’était pas des plus beaux, et l’on voyait d’un coup d’œil qu’il était militaire. On avait refusé d’engager de nouveau ce pauvre garçon à cause de ses infirmités et de son âge, et l’Amérique n’était pas alors en état de faire une retraite à ses vétérans. Cependant il recevait une pension à cause de ses blessures, et l’on ne pouvait pas dire qu’il fut dans le besoin. Il avait été blessé à la même bataille que Joyce dans la compagnie duquel il était caporal, mais le brave commandant avait succombé dans le combat.

Wyandotté était encore plus changé. Il comptait soixante-dix années, et il s’inclinait vers la tombe. Ses cheveux étaient devenus gris ; son corps, quoique toujours actif et vigoureux, n’aurait pu soutenir les marches extraordinaires dont il s’acquittait si bien autrefois. Son costume n’avait rien de remarquable, il était toujours à peu près le même. Willoughby observa que son œil était moins féroce, et que tout symptôme d’intempérance avait disparu.

Au moment où Willoughby parut, un changement marqué se fit dans la contenance de Nick. Son œil sombre, qui avait encore beaucoup d’éclat, se tourna vers la chapelle voisine, et il parut soulagé quand un craquement dans les broussailles annonça quelqu’un.

On n’avait pas encore parlé que les lilas s’écartèrent, et un homme de petite taille, âgé, mais encore vert et vigoureux, s’approcha. C’était M. Woods. Willoughby n’avait pas vu le cha-