Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/43

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dans son costume, et vous voyez qu’il a déjà apporté plusieurs perdrix, outre un lapin. Nous aurons toujours le gibier de chaque saison.

Ici, tous les nègres, après avoir regardé Nick pendant près d’une minute, poussèrent une grande exclamation, en riant comme si le Tuscarora eût été créé pour leur amusement spécial. Quoique le capitaine fût assez sévère dans sa discipline, il n’avait jamais été en son pouvoir d’empêcher chez les nègres ces éclats de gaieté, et il se retira avec sa femme laissant Marie et la grande briseuse et la petite briseuse et les deux Plines dans les transports d’une joie effrénée. Le tapage continua jusqu’à ce que l’Indien se soit retiré avec un air de dignité offensée.

Tel fut le commencement de la vie intérieure des Willoughby à la hutte sur la colline. Le plan de notre récit n’exige pas que nous les suivions avec une rigoureuse exactitude pendant les années qui suivirent ; mais quelques explications seront encore nécessaires pour indiquer pourquoi cet établissement différait un peu des autres.

Dans l’année même, c’est-à-dire dans l’été de 1765, madame Willoughby hérita, par la mort d’un oncle, d’un bien-fonds en Albany, et de quelques milliers de livres en espèces. Cet accroissement de fortune faisait du capitaine un homme riche, et lui permettait d’agir comme il l’entendait dans la direction de ses terres. Situées comme elles l’étaient, si loin des autres établissements, sans voies de communication, il devenait inutile de forcer la production, puisqu’il était très-difficile d’envoyer au marché ; et il eut été embarrassant d’appeler autour de soi une population trop nombreuse, qui n’aurait pu vivre en paix sans les ressources ordinaires de l’achat et de la vente. Puis il convenait aux goûts du capitaine d’être le commandant en chef d’un établissement isolé, et il se contentait de vivre sur ses terres, nourrissant son peuple et ses troupeaux, et ayant parfois l’occasion d’offrir une riche hospitalité au voyageur qui s’aventurait dans ses solitudes.

Ainsi, rien sur le sol n’était vendu ni loué. Il ne demeurait personne sur la terre qui ne fût dans sa dépendance, et il était dans ses domaines le maître absolu. Le bétail seul était envoyé au marché. Chaque année un petit troupeau de bœufs gras et de vaches laitières traversait la forêt pour être conduit à Albany, et le produit de la vente était consacré à l’acquisition de denrées étran-