Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’imiter ; mais pour l’impromptu, l’abondance, le naturel des repas du matin, allez en Amérique, dans une bonne maison du pays, et vous aurez trouvé le nec plus ultra de ces sortes de choses. Le thé, le café et le chocolat, le premier et le dernier excellents, et le second respectable ; le jambon, le poisson, les œufs, les rôties, les gâteaux, les petits pains, les marmelades, se voyaient ensemble dans une noble confusion ce qui mettait souvent les convives, comme l’avouait naïvement M. Woods, dans un complet embarras d’esprit, ne sachant quel plat attaquer quand tous étaient les bienvenus.

Laissant mistress Willoughby en grande consultation avec Marie au sujet de la fête, nous retournerons vers les deux jeunes filles que nous avons si brusquement abandonnées dans le dernier chapitre. Les traces des larmes étaient encore visibles sur les joues animées de Maud, comme la rosée sur la feuille de rose ; mais elles disparurent complètement par le secours de la toilette ; et elle sortit de sa chambre brillante et fraîche comme une matinée de mai qui vient réjouir la solitude du manoir. Beulah la suivait, tranquille, douce, calme comme le jour même, vivante image de la pureté de l’âme et des profondes affections de son honnête nature.

Les deux sœurs allèrent dans la salle à manger, où elles avaient de petits devoirs de maîtresse de maison à remplir en l’honneur de leurs hôtes. Chacune d’elles s’occupa à orner la table et à voir s’il ne manquait rien. Quand leur agréable tâche fut accomplie, la causerie ne chôma pas. Rien cependant ne se dit qui fit la moindre allusion à la conversation de la nuit précédente. Ni l’une ni l’autre ne se sentait le désir de raviver ce sujet, et Maud regrettait amèrement de l’avoir abordé ; ses joues rougissaient quand elle se rappelait ses paroles, et elle ne savait pas pourquoi. Les sentiments de Beulah étaient différents : elle s’étonnait que sa sœur pût penser qu’elle était une Meredtth et non une Willoughby. Parfois, elle craignait que quelque malheureuse allusion de sa part, quelque indiscrétion, eût rappelé à Maud les circonstances de sa véritable naissance. Et encore il n’y avait rien là qui pût éveiller en elle de désagréables réflexions. La famille des Meredith était non moins honorable que celle des Willoughby, selon l’opinion du monde. Pour ce qui regardait sa fortune Maud était indépendante, cinq mille livres, en fonds anglais, lui avaient été assu-