Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/73

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rées par le contrat de mariage de ses parents, et pendant vingt années de bonne administration les intérêts, scrupuleusement accumulés, avaient doublé le montant de la somme ; ainsi Maud était loin d’être pauvre, et souvent le capitaine en raillant faisait allusion à sa fortune comme s’il se proposait de lui rappeler qu’elle avait les moyens d’être indépendante. Maud elle-même ne soupçonnait pas qu’elle avait été élevée par le capitaine, sans que son argent eût été employé à son éducation. À dire vrai, elle y pensait peu et savait seulement qu’elle avait une fortune personnelle, dans la possession de laquelle elle devait entrer en atteignant sa majorité. Comment elle était devenue riche, c’était une question qu’elle n’avait jamais faite, quoiqu’il y eût des moments où de tendres regrets et une affectueuse mélancolie venaient attrister son cœur, quand elle pensait à ses véritables parents et à leur mort prématurée. Maud se reposait aveuglément sur le capitaine et sur mistress Willoughby comme sur un père et une mère ; et en effet rien dans l’amour, les manières, les pensées, ne rappelait qu’ils ne l’étaient pas de fait aussi bien que d’affection.

— Bob pensera que tu as fait ces confitures de prunes, Beulah, dit Maud avec un sourire, en plaçant un compotier sur la table ; il ne croira jamais que j’aie pu rien faire de cette sorte : comme il est amateur de prunes, il les goûtera certainement ; alors les éloges te reviendront.

— Tu parais croire qu’il les doit, ces éloges. Peut-être ne trouvera-t-il pas les confitures bonnes.

— Si je pensais ainsi, je les emporterais tout de suite, s’écria Maud, prenant une attitude de doute. Bob ne trouve pas que de telles occupations soient faites pour nous ; car il dit que les dames n’ont pas besoin d’être cuisinières ; mais encore, quand on a fait une chose on aime à l’entendre approuver.

— Mets ton cœur en repos, Maud, les prunes sont délicieuses, bien meilleures qu’aucunes que nous ayons jamais eues, et nous sommes fameuses pour cela, tu sais. Je réponds que Bob les déclarera excellentes.

— Et s’il ne le dit pas, pourquoi m’en soucierais-je ? Tu sais que ce sont les premières confitures que je fais, et il est permis de se tromper pour un coup d’essai. D’ailleurs, un homme peut aller en Angleterre, voir de belles choses, vivre dans de grandes