Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/86

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fût nécessaire de traiter cette matière avec autant de respect, où est votre courage pour faire une telle question ? Un homme est toujours capable de se battre quand il a ses bras pour agir. Que pourrait faire un régiment contre une place comme celle-ci ? Je suis sûr que depuis dix ans que j’y suis, je ne pourrais plus trouver mon chemin pour en sortir. Mettez un soldat à ramer sur le lac à l’est, avec l’ordre d’aller à l’autre bout, et il aura une jolie corvée. Je sais ce que c’est, et ce n’est pas un commençant qui pourrait faire aller de telles rames.

Ceci n’était intelligible que pour Joël, et il avait cessé de rire du voyage de Mike depuis au moins six ou sept ans ; d’autres désastres, ayant la même origine, avaient effacé le souvenir de celui-là. C’était pourtant une preuve que Mike pouvait être considéré comme un brave, disposé à suivre son chef sur le champ de bataille sans le troubler de questions sur les mérites de la querelle. Néanmoins, l’homme du comté de Leitrim reconnaissait des principes particuliers qui avaient une certaine influence sur sa conduite toutes les fois qu’il pouvait se les rendre avantageux. D’abord il détestait cordialement les Américains ; il haïssait un Anglais autant comme un oppresseur que comme un hérétique ; il aimait son maître et tout ce qui lui appartenait. Ces sentiments étaient contradictoires, certainement, mais Mike n’était conséquent ni en théorie ni en pratique. La tribu anglo-saxonne se retira en promettant de réfléchir ; procédé contre lequel Mike protesta hautement, déclarant qu’il n’y avait aucun besoin de réfléchir quand il s’agissait d’en venir aux coups. Jamie s’en alla, toujours en se grattant la tête, et on le vit plusieurs fois ce jour-là faire des pauses entre les pelletées de terre qu’il jetait autour de ses plantes, comme s’il méditait sur ce qu’il avait entendu. Pour les Hollandais, leur heure n’était pas arrivée ; ils n’avaient pas encore compris. Les nègres s’en allèrent ensemble et commencèrent à s’occuper des merveilles de la bataille, dans laquelle tant de chrétiens avaient été mis à mort. La petite briseuse évalua les morts à quelques milliers, mais la grande briseuse affirma que le capitaine avait parlé de centaines de mille, et elle prétendit qu’une grande bataille ne pouvait être livrée sans qu’on fît au moins cette perte. Quand le capitaine fut chez lui, le sergent Joyce lui demanda une audience dont l’objet était simplement de prendre ses ordres, sans examiner les principes.