Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/75

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tout prendre, en fait d’honnêteté, l’Indien l’emporte encore sur ceux qui l’ont supplanté.

— Comment va le vieux chef ? demanda tout à coup l’Indien, sans même lever les yeux attachés sur la route.

— Le vieux chef ? Est-ce de Washington que vous voulez parler, mon ami ?

— Non, le vieux chef. — Votre père ?

— Mon père ? est-ce que vous connaissez le général Littlepage ?

— Un peu. Tenez, votre père et vous, — et il levait deux doigts de la main, — vous voilà ! qui voit l’un, voit l’autre.

— Voilà qui est étrange. Vous saviez donc que je devais venir par ici ?

— Je le savais. Je parle souvent du vieux chef.

— Y a-t-il longtemps que vous avez vu mon père ?

— Je l’ai vu du temps de la guerre. N’avez-vous jamais entendu parler du vieux Susquesus ?

J’avais entendu les officiers de notre régiment parler d’un Indien de ce nom, qui avait rendu de grands services, surtout dans les deux grandes campagnes du Nord ; mais il n’y était point lorsque j’avais rejoint le corps.

— Assurément, répondis-je en lui secouant cordialement la main. Et il me semble même que vous avez connu mon père avant la guerre ?

— Oui, oui, dans l’ancienne guerre. Le général était jeune alors, — juste comme vous.

— Comment vous appelait-on alors, Oneida ?

— Je ne suis pas Oneida, mais Onondago. — Tribu sobre. Ah ! j’ai beaucoup de noms, — tantôt l’un, tantôt l’autre. — Les Visages Pâles m’appellent Sans-Traces, parce qu’on ne peut retrouver ma piste ; — et les guerriers m’appellent Susquesus.