CHAPITRE VIII.
Je connaissais assez les aventures de la jeunesse de mon père, pour savoir que l’homme que je venais de rencontrer y avait joué un rôle remarquable, et qu’il avait eu toute sa confiance. Cependant j’ignorais que Susquesus et Sans-Traces fussent la même personne, bien que j’eusse quelque idée vague d’en avoir entendu déjà parler. En tout cas, j’étais à présent avec un ami, et je n’avais plus besoin de me tenir sur mes gardes. C’était un grand soulagement ; car il n’est pas très-agréable de voyager à côté d’un inconnu, avec cette idée, quelque faible qu’elle soit, qu’au premier détour de la route, il pourrait vous faire sauter la cervelle.
Susquesus touchait au déclin de la vie. Si c’eût été un blanc, on aurait pu dire qu’il avait une verte vieillesse ; pour lui, rouge, vieillesse eût été une expression plus convenable. Ses traits étaient encore remarquables, quoiqu’ils portassent l’empreinte de la vie errante et laborieuse qu’il avait menée. Il se tenait aussi droit que dans ses meilleurs jours ; la taille du sauvage se courbe rarement autrement que par l’excès de l’âge ou des liqueurs fortes. Susquesus n’avait jamais donné accès à l’ennemi dans sa bouche ; aussi la citadelle de sa constitution était-elle à l’abri de tous ravages, excepté ceux du temps. Souple et dégagé dans sa démarche, le vieux coureur semblait encore effleurer la terre ; et, lorsqu’il accélérait le pas, comme j’eus bientôt occasion de le remarquer, ses muscles semblaient doués encore de toute leur énergie, et chacun de ses mouvements était libre.