Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/11

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— Ce sont d’excellentes poires, Monsieur ; et votre verger de Satanstoe est un des meilleurs qui se connaissent, ou du moins ce qui en reste ; car je crois qu’une partie de vos arbres est enterrée dans le faubourg actuel de Dibbleton.

— Oui, que le diable emporte l’endroit ! Je voudrais ne m’être pas défait d’un seul pied de terre ; quoique j’aie fait pas mal d’argent par la vente. Mais l’argent n’est pas une compensation pour les affections.

— Pas mal d’argent, mon cher Monsieur ! Puis-je, je vous prie, savoir à quoi l’on estimait Satanstoe, lorsque mon grand-père vous le laissa ?

— À un assez bon taux car c’est une ferme du premier numéro. Tu sais que le tout ensemble, y compris les joncs et les prés salés, renferme bien cinq cents acres.

— Dont vous avez hérité en 1829 ?

— Sans doute l’année de la mort de mon père. À cette époque la propriété passait pour valoir environ trente mille dollars ; mais la terre n’avait pas en 1829 une grande valeur en Westchester.

— Et vous en avez vendu deux cents acres, y compris le port et une bonne partie des joncs, pour le modique total de cent dix mille dollars, argent comptant. C’est une assez belle affaire, Monsieur.

— Non, pas argent comptant. Je n’en ai touché que quatre-vingt mille. Les autres trente mille sont garantis par hypothèque. Laquelle hypothèque, vous avez encore, je pense, si l’on dit vrai, frappant toute la ville de Dibbleton. Une ville doit être une bonne garantie pour trente mille dollars.

— Pas trop cependant, dans ce cas. Les spéculateurs qui achetèrent de moi en 1835 firent le plan de leur ville, construisirent un hôtel, un quai et un magasin, puis mirent à l’enchère les lots. Ils en vendirent quatre cents, de vingt-cinq pieds sur cent, grandeur conforme aux règlements, comme tu vois, au prix moyen de deux cent cinquante dollars, souvent moitié en deniers, c’est-à-dire cinquante mille dollars, et prenant hypothèque pour la balance. Bientôt après, la dépréciation survint, et le meilleur lot de Dibbleton n’aurait pas produit, sous le marteau, vingt dollars. L’hôtel et le magasin restent debout seuls dans leur gloire, et resteront ainsi jusqu’à ce qu’ils, tombent, ce qui n’arrivera pas, je pense, d’ici à mille ans.