Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rope, que les Américains n’en emportent pas beaucoup avec eux quand ils voyagent ; et cela avait été constamment la règle de mon oncle. Chacun de nous, d’ailleurs, conservait d’ordinaire à Ravensnest un supplément d’habits d’été que nous ne pensions jamais a reprendre. En conséquence de tous ces petits détails domestiques, nous fûmes bientôt en état tous deux de nous montrer dans la tenue qui appartenait à notre condition sociale.

Les appartements de mon oncle et les miens étaient voisins l’un de l’autre, dans l’aile septentrionale de la maison. Les fenêtres donnaient du côté de la plaine, qui se terminait par le ravin boisé où s’élevait à portée de vue le wigwam de l’intègre Onondago. Je pus même alors de la fenêtre de mon cabinet de toilette, distinguer les figures des deux vieillards assis au soleil, selon leur habitude à chaque après-midi. Pendant que j’étais ainsi occupé, on frappa légèrement à ma porte et je vis entrer John.

— Eh bien, John, mon garçon, lui dis-je en riant, je trouve qu’une perruque fait une grande différence dans votre manière de reconnaître un vieil ami. Je dois cependant vous remercier pour le bon traitement que vous avez accordé au musicien ambulant.

— Assurément, monsieur Hughes, je suis toujours disposé à vous offrir mes services, sous quelque costume que vous me les demandiez. Ce fut, il est vrai, une surprenante déception ; mais je croyais bien tout le temps que vous n’étiez pas exactement ce que vous sembliez être, comme je le dis à Kitty, aussitôt que je fus en bas : Kitty, lui dis-je, ces deux colporteurs sont les deux colporteurs les plus distingués que j’aie jamais vus dans ce pays, et je ne serais pas étonné qu’ils eussent vu des jours meilleurs. Mais maintenant que vous avez vu les anti-rentistes de vos propres yeux, monsieur Hughes, qu’en pensez-vous, si je puis être assez hardi pour vous faire cette question ?

— À peu près ce que j’en pensais avant que je les eusse vus. C’est un tas de vauriens qui discourent sur la liberté au moment même où ils font tout ce qu’ils peuvent pour la compromettre, de même que leurs souteneurs, dans le gouvernement, emploient le même jargon quand ils n’ont pour objet que d’obtenir des votes. Si aucun tenancier n’avait le droit électoral, cette question n’aurait jamais été soulevée. Mais je vois que ces deux bons vieillards, Jaaf et Sus, semblent se porter encore parfaitement bien.