Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/344

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ment que produit une vive impression, mais qui était encore si distincte que pas une parole ne fut perdue ; mes enfants, nous ne savons pas, quand nous sommes jeunes, ce qui doit arriver ; tout est jeune alors autour de nous. C’est quand nous devenons vieux que tout vieillit autour de nous. La jeunesse est pleine d’espérance, mais l’âge est plein d’yeux, il voit les choses tettes qu’elles sont. J’ai vécu seul dans mon wigwam depuis que le Grand Esprit a appelé le nom de ma mère, et qu’elle est allée aux heureuses terres de chasse préparer la venaison pour mon père, qui avait été appelé le premier. Mon père fut un grand guerrier. Vous ne l’avez pas connu. Il fut tué par les Delawares, il y a plus de cent hivers.

Je vous ai dit la vérité. Quand ma mère s’en alla préparer la venaison pour mon père, je fus laissé seul dans mon wigwam.

Ici se fit une nouvelle pause, durant laquelle Susquesus sembla lutter avec ses émotions, quoiqu’il restât debout et droit comme un arbre profondément enraciné. Quant aux chefs, la plupart d’entre eux penchèrent leur corps en avant pour écouter, tant était vif leur intérêt ; parmi eux quelques-uns expliquaient, en sons gutturaux, certains passages du discours à d’autres chefs, qui ne comprenaient pas entièrement le dialecte dans lequel il avait été prononcé. Susquesus poursuivit :

— Oui, j’ai vécu seul. Une jeune squaw devait entrer dans mon wigwam et y rester. Elle n’est jamais venue. Elle désirait y entrer, mais elle n’y vint pas. Un autre guerrier avait sa promesse, et il était juste qu’elle gardât sa parole. Son esprit fut pesant d’abord, mais elle vécut pour sentir qu’il était bon d’être juste. Aucune squaw n’a jamais vécu dans mon wigwam. Je n’ai pas songé à être père ; mais voyez combien les choses ont tourné différemment ! Je suis maintenant le père de tous les hommes rouges ! Chaque guerrier Indien est mon fils. Vous êtes mes enfants ; je vous reconnaîtrai quand nous nous rencontrerons dans les beaux sentiers qui sont au delà de vos chasses d’aujourd’hui. Vous m’appellerez votre père, et je vous appellerai mes fils ; cela suffira.

Vous me demandez d’aller avec vous dans le long sentier et de laisser mes os dans les prairies. J’ai entendu parler de ces terres de chasse. Nos anciennes traditions nous en parlent.

« Vers le soleil levant, disent-elles, est un grand lac salé, et vers le soleil couchant, de grands lacs d’eau douce. Au delà du grand