Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/47

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— Vous n’avez aucun droit, Monsieur ; dans un pays libre, reprit d’un air caustique Jack Dunning, de préférer une propriété à une autre, surtout quand d’autres la convoitent. Vos terres sont affermées à d’honnêtes, laborieux tenanciers, qui peuvent manger leur dîner sans argenterie, et dont les ancêtres…

— Arrêtez ! m’écriai-je en riant, je repousse toute idée d’ancêtres. Aucun homme n’a droit d’invoquer ses ancêtres dans ce pays de liberté !

— Aucun homme parmi les propriétaires, sans doute ; mais parmi les tenanciers, on peut avoir une généalogie aussi longue que celle de la maison de Levis. Apprenez, Monsieur, que chaque tenancier a le droit de demander que l’on respecte ses sentiments de famille. Son père a planté ce verger, et il en aime mieux les pommes que toutes autres pommes dans le monde.

— Et mon père en a fourni les greffes, et lui en a fait présent.

— Son grand-père a défriché le champ et a converti des racines d’arbres en trésors de culture.

— Et mon grand-père reçut cette année dix schellings de rente quand le sien recevait deux cent cinquante dollars pour ses racines.

— Son bisaïeul, honnête et excellent homme, prit la terre à l’état sauvage, et de ses propres mains abattit le bois et sema le blé.

— Et il en fut payé au centuple, sans quoi il ne l’eût pas fait. J’eus aussi un bisaïeul ; et j’espère que ce ne sera pas trop aristocratique de m’en vanter : il afferma à cet autre honnête et excellent homme cette même terre pendant six ans sans aucun prix de fermage, afin que le pauvre diable fût assez bien établi avant de commencer à payer sa rente de six pence ou un schelling l’acre pendant trois générations, avec la certitude morale d’obtenir un renouvellement aux conditions les plus avantageuses, et qui pouvait bien au même temps acheter de la terre en toute propriété, mais qui aimait mieux en prendre à bail, parce que le marché était meilleur pour lui.

— En voilà assez de toutes ces absurdités, cria mon oncle Ro ; nous savons tous que dans notre excellente Amérique, celui qui a le plus de droits, en toute occasion, doit affecter de les faire valoir le moins, afin d étouffer le monstre de l’envie ; et comme nous sommes d’accord sur les principes, venons aux faits : quelles nouvelles des jeunes personnes, Jack, et de mon honorée mère ?

— Elle, noble, héroïque femme ! elle est à Ravensnest actuelle-