Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 28, 1850.djvu/292

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commencé. Après y avoir réfléchi, il se réserva d’avoir recours à ce moyen en dernier ressort.

Les montagnes de glace étaient en mouvement vers le sud, et une véritable flotte de ces montagnes levait l’ancre pour ainsi dire, venant des régions lointaines et inconnues dans lesquelles elles s’étaient formées. Du haut de la montagne Roswell en compta au moins une centaine.

Le troisième jour après le commencement du dégel, le vent tourna au sud-ouest, soufflant avec beaucoup de violence. À six heures environ, Hasard vint rapporter à Roswell que l’eau recommençait à couler le long des montagnes tandis qu’il était à craindre que le canal ne fût bloqué par la glace qui se trouvait en dehors ou en dedans de l’anse. Par conséquent il n’y avait pas de temps à perdre si l’on voulait profiter de ce changement de temps. On scia la glace, dans ce canal, jusqu’à une distance de cent mètres. La passe n’était pas beaucoup plus large que le schooner lui-même ; et l’on comprendra facilement qu’il fallait lui faire traverser ce détroit le plus tôt possible. Tout le monde se mit à l’ouvrage, et, cinq minutes après que Hasard eut fait sa communication, le Lion de Mer s’était déjà avancé du côté du cap de six ou huit fois sa longueur. C’est alors que vint le danger ! Si la glace n’avait pas été solide entre le cap et l’anse d’où le schooner venait de sortir, il aurait été brisé au moment où le canal artificiel se serait fermé. Il fut cependant arrêté, mais la résistance opposée par la glace solide qui remplissait l’anse, fit dériver la plaine de glace qui s’avançait, et le schooner gagna l’eau qui commençait à suivre le long des rochers, mais il s’arrêta encore, parce que le passage n’était pas assez large pour le recevoir. On profita de ce retard pour apporter à bord tous les objets qu’on avait laissés sur le rivage, dans la hâte qu’on avait mise à partir.

À neuf heures tout était à bord : on pouvait embrasser du regard l’espèce de canal qui suivait toutes les sinuosités de la côte. Roswell savait se rendre compte de tout le danger de sa situation, le plus grand, peut-être, qu’il eût couru jusque-là. Si le vent venait à changer, ou si l’un de ces courants, qu’on ne peut expliquer, se jetait à la traverse, le schooner serait proba-