Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/115

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que tous ces cadavres en putréfaction auraient pu amener, Marc, pendant deux jours entiers, ne prit pas un seul instant de repos, et il ne quitta ses outils que lorsque les exhalaisons fétides qui s’élevaient de toutes parts le forcèrent de s’éloigner. Heureusement les oiseaux du ciel vinrent, par milliers, à son secours, et on ne saurait croire quelle consommation ils firent de tous ces habitants des eaux.

Cependant notre jeune ermite était retourné à bord où il passa toute une semaine, les vents réglés emportant avec eux les miasmes infects. Il se hasarda seulement alors à retourner dans l’île, et il jugea qu’il pouvait y rester à la rigueur mais ce ne fut qu’au bout d’un grand mois que le Récif fut complètement assaini. Il lui fallut encore aller chercher au Rocher du Limon de son précieux engrais pour en couvrir ce qui restait de poissons ; car malgré les efforts combinés de tous les mangeurs ailés ou vêtus, la table servie par la mer avec une si funeste abondance était loin d’être épuisée.

C’est une des grandes bizarreries de la nature humaine que nous supportions avec beaucoup plus de courage les grandes infortunes que les petites contrariétés. Malgré son affection pour Bob, malgré les graves conséquences que la perte de son ami avait pour lui-même, il est certain que les ravages causés par l’inondation occupaient plus ses pensées et lui étaient plus sensibles pour le moment que la disparition de la Neshamony. Il n’avait pas manqué néanmoins pendant qu’il était à bord, de la chercher sur tous les points de l’horizon et il passait alors une partie de la journée dans les barres de perroquet, prêt à saluer son retour par des transports de joie. Combien de fois il avait cru la voir et toujours c’était où l’aile de quelque goëland ou la pointe de quelque récif éloigné. Mais enfin son retour dans l’île avait donné un autre cours à ses idées, et le travail, ce grand consolateur, était venu à son secours.

Rien n’était plus pénible ni plus fatigant pour notre solitaire que la réverbération d’un soleil ardent sur les rochers et sur les cendres rougeâtres du Cratère ; et souvent il eût été obligé de