Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/141

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actuelles, il pouvait être poussé au large, et, quand même la petite embarcation résisterait aux vagues, entraîné assez loin pour ne plus revoir le Récif. Ce fut surtout alors qu’il comprit à quel point il avait été favorisé dans son malheur en trouvant une plage aussi fertile que le Cratère, et combien il serait terrible de s’en voir arraché. Que de grand cœur il aurait abandonné la plus grande partie de ses plantations et de ses récoltes, obtenues pourtant au prix de tant de fatigues, pour se trouver sain et sauf à bord du Rancocus ! Toutefois, à force de manœuvres adroites pour profiter de la moindre bouffée d’air, il parvint à obtenir ce résultat inespéré, sans avoir eu de sacrifice à faire.

Vers neuf heures du soir, la Brigitte rentrait dans son petit bassin, et Marc ne l’eut pas plus tôt amarrée qu’il se retira dans sa cabine. Son premier mouvement fut de se jeter à genoux pour remercier Dieu de l’avoir ramené dans des lieux qui lui étaient devenus si chers en se rattachant dans sa pensée à la conservation de son existence. Puis, fatigué de sa journée, il entra dans sa petite chambre et ne tarda pas à s’endormir d’un profond sommeil.

Quand il s’éveilla le matin, il se sentit comme suffoqué. Il ouvrit les yeux, et fut frappé de la clarté livide qui remplissait la cabine ; il crut que le bâtiment était en feu et sauta hors de son lit. Cependant n’entendant aucun pétillement de flamme, il s’habilla précipitamment et sortit sur le pont. À peine y avait-il mis le pied, qu’il sentit tout le bâtiment trembler, et les eaux s’agiter autour de lui comme si elles se préparaient à faire irruption. Des sifflements aigus se faisaient entendre, et des lueurs sinistres sillonnaient les airs. Ce fut un moment terrible, et l’on aurait pu croire que le monde était arrivé à son dernier jour.

Marc Woolston comprit alors la vérité, malgré l’intensité des ténèbres, que perçaient par intervalles des sillons de lumière blafarde. Ce qu’il avait ressenti, c’étaient les secousses d’un tremblement de terre, et le volcan sortait de son long sommeil. Une atmosphère de cendres et de fumée l’enveloppait ; et notre