Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/229

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Marc et Betts étaient convenus de se retrouver près du schooner toutes les fois que leurs fonctions ne les appelleraient pas sur un autre point. Comme le Récif était, à proprement parler, une île, ils savaient bien qu’aucun ennemi n’y pouvait parvenir que par mer ou par le pont dont nous avons déjà parlé, et qui traversait le petit détroit voisin de la source. Cette pensée leur donnait pour le moment quelque sécurité, et Marc avait assuré à son compagnon qu’il était impossible que les canots vinssent aborder au Récif avant plusieurs heures. Ni l’un ni l’autre cependant ne songeaient à dormir. Il leur eût été impossible de rester dans leurs hamacs. Ils préférèrent se tenir mutuellement compagnie, en ayant l’oreille au guet, et en se communiquant leurs réflexions.

— M’est avis, Monsieur, que nous sommes un peu à court de bras pour recevoir ces vauriens de sauvages, observa Betts, répondant à une remarque du gouverneur. J’ai compté, l’autre jour, lorsqu’ils sont venus près du Pic, cent trois pirogues, et chacune n’avait pas à bord moins de quatre hommes ; sans parier des plus grandes qui devaient bien en porter cinquante. Je pense, sauf meilleur avis, monsieur Marc, qu’il pouvait bien y avoir en tout douze à quinze cents combattants.

— Telle est aussi mon idée sur leurs forces, Bob ; mais, quand ils seraient quinze mille, il faut que nous les forcions à se battre, car c’est notre seule planche de salut.

— Oui, oui, Monsieur ; battons-nous, et surtout battons-les, répondit Betts, crachant au loin à la manière des marins ; si nous devons lâcher pied, que ce ne soit du moins qu’après leur avoir envoyé quelques bordées. Comme ce rocher est changé Monsieur, et combien il était différent lorsque vous et moi nous y étendions du limon et des plantes marines pour faire des couches de melons et de concombres ! Les temps sont changés, Monsieur ! hier la paix, aujourd’hui la guerre ; tout à l’heure la tranquillité, et maintenant le trouble et tout le baccanal.

— Nous avons maintenant nos femmes avec nous, et je pense que vous regardez cela comme quelque chose, Bob ; si vous